LE CHATEAU DE MONTOIS - RESSONS LE LONG

Le château du Montois - Son origine - Ses différents propriétaires.

C'était au début une petite ferme possédée, avant 1580 par un laboureur nommé Jean Molin, et qui pour cette raison, porta par la suite le surnom de "Maison Jehan Molin".

Elle fut achetée en 1587 par un autre laboureur, Claude Molin, de divers héritiers, parmi lesquels figuraient Claude Chouy, cordonnier Paris, et Jacques Pourvoieu, marchand à Pierrefonds, avec quatre pièces de vigne et terre dans les mêmes lieux, "chargées de cens vers les religieux de Vielleuse".

Claude Molin ne cessa dès lors d'accroître sa propriété par des acquisitions successives. Mais ayant pris à bail, en 1596, la ferme de Touvent à Moulin, il loua, le 8 janvier 1597, pour neuf ans, sa maison de Montois et les terres à Toussaint Baillon, laboureur à Thézy, paroisse de Montigny-Lengrain.

Molin ‚tait mari‚ en premières noces avec Anne Lecocq, veuve d'un sieur Leroy, dont elle avait un fils. Devenu veuf à son tour, il se remaria à Moulin avec Marguerite Desmonceaux. L'acquisition de la propriété de Montois ayant eu lieu du vivant de la première femme, la part de celle-ci revint à Pierre Leroy, son fils, laboureur "en la cense de forest" à Morsain. Celui-ci la vendit à son beau-père, le 9 septembre 1604, pour le prix de cinquante-quatre livres tournois.

Propriétaire de tout l'immeuble, Claude Molin loua la ferme de Montois successivement à Jean Charles, à Antoine Charpentier, à François Duriez, à Jean Cadot et à Jean Havart, puis il la vendit le 31 mars 1623, avec une autre maison sise à Gorgny et toutes les pièces de terre lui appartenant, pour la somme de six mille deux cents livres tournois à Messire Jean Levesque, receveur admodiateur du revenu de la châtellenie de Vic-sur-Aisne, y demeurant. Le Montois était alors chargé de trente-sept sols six deniers tournois de cens envers les Célestins de Villeneuve-lez-Soissons.

Au contrat de vente sont ainsi désignés les biens vendus :

"Une maison, chambres couvertes en tuiles, granges, ‚tables couvertes en chaume, cour, jardin, lieu et pourpris, séant au lieu dit Montoy, avec la quantité de cent seize esseins de terres labourables, prés, aulnois et autres héritages situ‚s et assis au terroir de Ressons et ès environs, tant en montagne que vallée.

Et une maison sise à Gorgny, deux pièces de terre au marais de Lannoy, avec le fond de propriété d'un droit de douaire appartenant à la femme Georges Desjardins."

Jean Levesque de Roqueville avait épousé Jeanne Bontemps par contrat passé devant Pierre Charmolue, tabellion à Compiègne, à la date du 5 septembre 1601. Il était "marchand bourgeois à Compiègne", lorsque le 21 octobre 1611 il prit à bail, de l'abbé de Saint-Médard, François Hotman, le revenu de la châtellenie avec le château de Vic-sur-Aisne qu'il vint habiter avec sa famille, à la Saint-Jean de l'année 1613.

C'est par suite de ses fonctions nouvelles de receveur de la châtellenie de Vic-sur-Aisne, dont d‚pendait la ferme de Touvent, qu'il avait connu Claude Molin et qu'il avait pu acheter le domaine de Montois, au moment où celui-ci, g‚n‚ dans ses affaires, était poursuivi pour le paiement de ses redevances, car Molin n'avait pas fait fortune dans sa ferme.

La sanction de vente du Montois fut port‚e devant la prévôté de l'exemption de Pierrefonds, à Compiègne, où un décret adjugea à nouveau le domaine à Jean Levesque, le 16 mars 1626, mais cette fois pour une somme de cinq mille cents livres seulement.

Jean Levesque résidait régulièrement au château de Vic-sur-Aisne, et puisque nous avons retrouvé sa généalogie dans les archives de M.Pierre le Cornier de Cideville, nous pouvons dire ici ses origines anciennes. La suite de cette histoire nous fera connaître les descendants de Jean Levesque jusqu'au jour où le domaine du Montois fut vendu à M.Antoine de Perticoz, et jusqu'au jour où le dernier des Levesque de la branche aînée devint par son mariage l'Oncle de M.Pierre-Philippe le Cornier, aïeul du propriétaire actuel.

Martin Levesque qui vivait au XVème siècle, avait eu pour fils unique Jérome Levesque, conseiller du roi, assesseur premier élu en l'élection de Compiègne et greffier du bureau de cette ville. De son mariage avec Jeanne Poultier naquit Adrien Levesque qui épousa Adrienne le Pescheur. Adrien eu quatre enfants qui furent Charles, Arnoult, Martin et Antoine.

Nous n'avons à nous occuper ici que de Charles qui était l'aîné de ses frères. Charles Levesque de Roqueville, "bourgeois de Compiègne", se maria avec Marie de Sac, et il eut trois enfants : Jean, qui acheta le Montois comme nous l'avons dit plus haut ; Charles, receveur des aides de la ville et élection de Compiègne, qui eut pour femme Marie de Saint-Paul et qui fut la tige de la branche des Levesque d'Orbais ; et Antoinette, femme de Noël Charmolue, licencié ès lois et avocat en Parlement aussi à Compiègne.

Les armes de cette famille portent : "d'or à trois bandes de gueule", suivant le nouveau d'Hozier, tome CXXVII.

De son mariage avec Jeanne Bontemps, Jean Levesque eut huit enfants, savoir : Jeanne, Christine, François, Noël, Suzanne, Catherine, Lucrèce et Louis, qui se marièrent tous :

1ø Jeanne épousa par contrat passé à Vic-sur-Aisne, le 24 octobre 1627, le futur historien de France, Adrien de Valois, fils de Toussaint de Valois, notaire royal, décédé à Saint-Quentin, et d'Anne Boutteville. Adrien de Valois ‚tait alors conseiller du roi, assesseur et premier élu de l'élection de Guise, secrétaire de Messire François Hotman, abbé de Saint-Médard-lez-Soissons et seigneur Châtelain de Vic-sur-Aisne. Il demeurait chez cet abbé à Paris, en son hôtel situé rue de Jouy, paroisse de Saint-Paul.

Jeanne Levesque résidait au château de Vic-sur-Aisne, avec ses père et mère.

Au contrat parurent les personnages suivants ; du côté du futur époux :

L'abbé François Hotman ; Anne de Boutteville, sa mère, demeurant à Saint-Quentin ; François de Valois, conseiller du roi et contrôleur pour Sa Majesté ès grenier à sel de Guise et d'Aubenton, demeurant à Guise, oncle du côté paternel ; Me Romain Boutteville, avocat en Parlement, fondé de procuration de Me Arthur Boutteville, son père, aussi conseiller du roi et grenetier en la ville de Péronne, son oncle maternel ; Claude Philippy, marchand bourgeois et ancien échevin de Saint-Quentin, aussi oncle maternel par Françoise Boutteville, sa femme ; Messire Thimoléon Hotman, conseiller du roi en ses Conseils d'état et privé et trésorier général de France à Paris ; Dame Louise Hotman, veuve de Messire Josias de montmorency, chevalier seigneur et vicomte de Bours, Gueschart et autres lieux, capitaine des gardes de Sa Majesté ; Messire Robert d'Aumale, chevalier de Nampcel, baron d'Estrées, Messemy, Ramicourt, Cambonne et autres lieux ; Messire François de Montmorency, chevalier seigneur et vicomte de Bours ; Messire de Monchy, chevalier seigneur de Quincy et autres lieux ; Messire François de Suzanne, chevalier seigneur de Cardaillac et de Montgarny, y demeurant ; Henri de Bouchavannes, écuyer ; et Messire Pierre Prévosté secrétaire de la chambre du roi et commis aux finances ;

Tous amis d'Adrien de Valois.

Et du côté de la future épouse :

Jean Levesque, conseiller et élu pour le roi à Compiègne, receveur et "admodiateur" de la châtellenie de Vic-sur-Aisne, et Jeanne Bontemps, ses père et mère, Messire Jacques Bontemps, greffier du bailliage de Compiègne, son grand-père maternel ; Messire Charles Levesque, receveur des aides audit Compiègne, son oncle paternel ; Messire Noël Charmolue, receveur du taillon audit Compiègne, son bel-oncle paternel ; Messire Guillaume Bontemps, prévôté de l'exemption de Pierrefonds, ressortissant à Compiègne ; Messire Samaon Bonzeré, conseiller élu pour le roi à Soissons ; Messire Raoul Charpentier, avocat à Compiègne ; Messire Jacques Metel, bailli de la châtellenie de Vic-sur-Aisne, ses oncles maternels ; damoiselle Florimonde de Sacy, veuve de Messire Adrien Levesque, greffier au grenier à sel de Compiègne ; et Françoise de Sacy, veuve de Guy de Billy, contrôleur en l'élection de Compiègne, ses grandes-tantes du côté paternel.

Adrien de Valois apporta en mariage l'office de conseiller du roi et de premier élu en l'élection de Guise dont il était pourvu avec les immeubles par lui acquis en la prévôté de Saint-Quentin.

Quant à Jeanne Levesque, il lui fut constitué en dot, par ses parents, la somme de 8.000 livres en avancement d'hoirie.

2ø Christine épousa Gabriel Loisel, avocat en la Cour de Parlement à Compiègne, le 27 septembre 1631.

3ø François, élu en l'élection de Compiègne, épousa Jeanne Charmolue, le 8 novembre de la même année.

4ø Noël, conseiller du roi, grenetier au grenier et magasin à sel de Compiègne, épousa Radegonde Charmolue, le 20 août 1634.

5ø Suzanne épousa par contrat passé à Vic-sur-Aisne, le 1er juin 1637, Alexandre Pottier, de Soissons, fils de Claude Pottier, conseiller du roi et receveur des gabelles au grenier à sel de Vailly, et d'Anne Courteau, sa femme tous deux décédés.

Le futur était assisté de Louis Pottier, son oncle ; d'Antoine Pottier, conseiller du roi au bailliage et siège présidial de Soissons ; d'Etienne Pottier, seigneur d'Aboncourt ; et de Claude Pottier, jeune garçon, ses frères ; enfin de Samson Pottier, jeune garçon, son cousin germain.

La future épouse était elle-même assistée de ses père et mère ; de Noël Levesque, son frère ; de Gabriel Loisel, son beau-frère ; de Samson Bonzeré, conseiller du roi, lieutenant en l'élection de Soissons, son oncle ; et de François Bonzeré, contrôleur au domaine de Soissons et au grenier à sel de Vailly, son allié.

Le futur époux apportait en mariage ses héritages et la future épousé apportait, comme sa sœur Jeanne, huit mille livres tournois en dot.

6ø Catherine épousa Jean Baudouin, écuyer et sommelier du maréchal duc d'Estées, demeurant à Laversine.

7ø Lucrèce épousa Samson Coustant, receveur du taillon de la ville et élection de Compiègne.

8ø Et Louis, avocat en la Parlement et receveur des gabelles à Compiègne, épousa Elisabeth Barbe.

Jean Levesque comparut, le 7 avril 1630, au contrat de mariage de Jean Pinel, boucher à Vic-sur-Aisne, avec Suzanne Gaige, sa domestique, à laquelle il donna soixante livres tournois "pour la récompenser des bons et agréables services qu'elle a rendus à sa femme depuis seize à dix-sept ans qu'elle est malade en son hostel..."

Après la mort de l'abbé Hotman, l'abbaye de Saint-Médard ayant été donnée en commende au cardinal Mazarin, dans le cours de l'année 1639, Jean Levesque dut quitter le château de Vic-sur-Aisne, et rentrer à Compiègne, où il décéda vers 1645. Sa femme lui survécut de plusieurs années.

Au partage de la succession, le domaine du Montois ‚chut aux dames Pottier, Baudouin et Coustant, et resta indivis entre elles. Mais le 23 novembre 1668, Catherine Levesque, veuve de Jean Baudouin depuis deux mois, donna son tiers à MM. François et Louis Levesque, ses frères, pour en jouir après sa mort.

François Levesque mourut le 3 novembre 1673 et, en sa qualité de marguillier du Saint Sacrement de l'église Saint-Jacques à Compiègne, fut enterré le lendemain dans cet édifice proche de la chapelle de Sainte-Barbe.

Il laissa sa part dans le tiers du Montois à son frère Louis. Lucrèce Levesque, épouse de M. Coustant, vendit sa part en diverses fois, dans les années 1677, 1678, 1683 et autres, à son frère Louis qui se trouva ainsi propriétaire des deux tiers du domaine. Après quoi il mourut dans le cours de l'année 1700, et sa femme restait veuve avec cinq fils, savoir : Louis-Ignace, François, Nicolas, Vincent et Antoine-Catherin.

Elisabeth Barbe, mue par un sentiment de particulière affection, fit donation de ce qu'elle possédait dans le domaine du Montois à son petit-fils, Louis-François de Sales Levesque, fils de Louis-Ignace et de Françoise Pottier. L'acte fut passé devant Caron et son confrère, notaires au Châtelet de Paris, le 17 décembre 1700. Louis-Ignace Levesque, officier de Mme la duchesse d'Orléans, avait épousé en premières noces, par contrat passé devant Pasquier, notaire à Crépy-en-Valois, le 8 janvier 1685, Elisabeth Lefèvre, morte en lui laissant une fille, Elisabeth-Geneviève, et en secondes noces Françoise Pottier, sa cousine germaine, fille d'Alexandre Pottier et de Suzanne Levesque.

Françoise Pottier, à la mort de sa mère, reçut dans son lot de partage le dernier tiers de la propriété du Montois, par acte passé le 29 novembre 1697, et l'apporta à son mari, et c'est ainsi que Louis-Ignace et son fils Louis-François de Sales Levesque réunirent définitivement entre leur mains la propriété du domaine complet de Montois qui, pendant plus de cinquante ans, était restée dans l'indivision.

Lors de la donation que lui avait faite son aïeul, Louis-François de Sales Levesque était mineur et se destinait à l'état ecclésiastique ; ses parents purent donc jouir pendant toute leur vie de la propriété de Ressons-le-Long.

Louis-Ignace Levesque et sa femme sont les premiers propriétaires qui aient habité la maison du Montois. On en a la preuve aux deux actes suivants : dans un bail passé à Claude Hiraux, le 22 octobre 1701, M Levesque se réserve une chambre, un cabinet et des greniers au-dessus "déjà occupés par le bailleur", et dans un autre bail consenti à Antoine Mullot, le 6 novembre 1720, M Levesque réserve encore trois chambres avec le grenier, la "foulloire" (endroit où on foullait le raisin) et la grande cave.

M et Mme Levesque prirent possession du Montois vers la fin de l'année 1700, et le 22 mars 1701, Louis-Ignace Levesque acheta de François Blondeau, bourgeois de Paris les droits d'échange et honorifiques de la paroisse de Ressons-le-Long.

Les droits d'échange correspondent aux droits seigneuriaux des lods et ventes ; c'était un droit de mutation d- au seigneur qui autorisait l'aliénation d'un fief ou d'une pièce de terre en censive ; il était souvent du cinquième du prix, d'où son nom quelquefois employé de droit de quint.

Les droits honorifiques étaient des droits aux places d'honneur ou à des distinctions spéciales qui appartenaient aux seigneurs et aux patrons dans les églises.

L'acquéreur des droits d'échange, même quand il les tenait en seconde main, était établi propriétaire d'un fief mouvant du roi dont il portait foi et hommage. Ce fief était érigé en une "seigneurie pour partir du lieu". C'est pourquoi M Levesque et après lui ses successeurs figuraient dans les actes comme "seigneurs en partie de Ressons", et nous verrons dans un chapitre spécialement consacré aux revendications de toutes sortes, soulevées par l'application des droits honorifiques, que ce titre ne fut pas sans causer quelques tribulations à ceux qui en étaient investis.

De son second mariage avec Françoise Pottier, Louis-Ignace Levesque avait eu une fille, Louise-Françoise de Sales. Elle épousa, le 6 juillet 1717, Messire Henry de Polignac, écuyer, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, capitaine de cavalerie et brigadier des gardes du corps du roi en garnison à Compiègne, fils de Daniel de Polignac, chevalier. La bénédiction nuptiale leur fut donnée en l'église de Ressons-le-Long par le R.P Louis de Bezanne, religieux bénédictin, fils de l'ancien seigneur de Poulandon, Guillaume de Bezanne.

Cette alliance avait été précédée, quatre jours auparavant, d'un contrat de mariage passé au presbytère de Ressons, dans lequel le futur époux avait déclaré apporter une ferme avec les terres et biens en dépendant, appelée la ferme de Nausane, paroisse de la Commanderie, près de Beaumont-en-Périgord, affermée au nommé Lasne à la redevance de six cents livres par an. Quant à la future épouse, ses parents lui avaient donné la maison à Compiègne, où ils établissaient leur demeure, sise rue du Château, estimée la somme de cinq mille livres ; plus une autre somme de quatre mille livres payables à terme, pour laquelle ils devaient lui servir une rente annuelle de deux cents livres jusqu'à parfait remboursement.

Aussitôt après la célébration du mariage, les jeunes époux allèrent passer quelques jours à Paris pour leur voyage de noces ; mais dans leur ardeur juvénile ils avaient oubli‚ les formalités du contrôle par lesquelles leur contrat devait passer dans la quinzaine, ainsi que la consignation du prix qu'ils auraient d- faire entre les mains du notaire. Heureusement le père de la jeune femme, plus positif, y pensa à temps, car on arrivait au dernier jour du délai ; à ce sujet, il adressa de Compiègne, par exprès, à Me Cuneaux, notaire à Vic-sur-Aisne, une lettre qui est restée jointe à la minute de l'acte de mariage. C'est un document curieux qui donne la mesure exacte du degré d'instruction et de rédaction que possédait M l'officier de la duchesse d'Orléans ; aussi nous reproduisons cette lettre ici, in-extenso :

"A Monsieur

Monsieur Cugnot (Cuneaux)

Nottaire royal à Visurenne

A Compiègne, ce 16me juillet 1717.

Comme Monsieur et Madame de Polignac sont parti pour Paris sans songer que c'est une nécessité de faire controller leur contract de mariage dans les quinze jours, et qu'ils ne reviendrons que mardi prochain à Compiègne, je vous prie de remettre ès mains du controlleur la minutte de leur contract afin de ne pas laisser passer le temps ce qui nous metteroit dans un ambaras trés grands, ainsi Monsieur j'espère que vous ne manquerés pas, et aussitôt leur retour j'aurai soin qu'on lève le contract et qu'on paye tant de vos droits que vos débourcés, sy sans vous incomoder vous pouviés avancer la somme qu'il conviendra pour le controlle vous leur feriés plaisir et à moy, si vous ne le pouvés pas, laissé la minutte au controlleur après l'avoir fait mettre sur le registre, je vous envoie le porteur exprès mettant souvenu qu'on avait pas eu soin d'avancer le controlle, je vous prie de me rendre réponse par luy et de vous souvenir que c'est aujourd'huy le dernier jour du controlle, en attendant votre réponse j'ay l'honneur d'estre trés parfaitement, Monsieur, vostre trés humble et trés obéissant serviteur.

LEVESQUE."

Sur la première page de la lettre, celle réservée à l'adresse, M Levesque ajoute :

"Je vous prie de me marquer au juste ce qu'il faudra pour le controlle et pour l'insinuation et pour vos droits, afin qu'on vous l'envoie aussitôt l'arrivée de M. de Polignac."

La formalité du contrôle fut remplie à temps, car au bas de la minute du contrat de mariage, on lit ce qui suit : "Controllé à Attichy, le 16e juillet 1717, reçu 50 livres.

Signé : OBRY."

Louis-Ignace Levesque mourut le 12 août 1730 à Compiègne, et Françoise Pottier, sa femme, le suivit au tombeau trois ans plus tard. Ils laissaient deux enfants de leur mariage : Louis-François de Sales Levesque, prêtre, et Louise-Françoise de Sales Levesque, veuve en premières noces de Henri de Polignac, remariée avec François-Charles-Augustin de Seroux d'Agincourt, écuyer, garde du corps du roi de la compagnie de Noailles, brigade de Balleroy, Demeurant à Compiègne. Cette dernière décéda sans avoir eu d'enfant. Louis-Ignace ne devait donc pas avoir de postérité au-delà du seul fils qu'il laissait, puisque ce fils était curé de Mareuil-Lamotte et devait mourir chanoine de Roye en 1770.

L'un de ses frères, Nicolas Levesque, sieur de l'Etang, major du régiment de Saintonge infanterie, mort à Bayonne le 18 juillet 1727, avait épousé le 3 mars 1709 Marie-Anne Picart de Moncourt, et en avait eu un fils, Nicolas-François Levesque de l'Etang, capitaine des grenadiers au régiment de Saintonge. Ce dernier se maria à Crépy-en-Valois, le 1er juillet 1758, avec Anne-Gabrielle-Nicolle de la Granche d'Arpentigny, tante de Pierre-Philippe Le Cornier, dont il sera parlé au cours de cette notice. Il n'eut qu'une fille, décédée avant lui sans laisser d'enfant ; il fut donc le dernier des rejetons de la branche aînée des Levesque.

Louis-François de Sales Levesque, prêtre-curé de Mareuil-Lamotte, en sa qualité de "seul et unique héritier de Françoise Pottier, sa mère", et de "donataire d'Elisabeth Barbe, veuve de Louis Levesque, son aïeule", vendit devant Poultier et Loisel, notaires à Compiègne, le 12 février 1735, à Antoine de Perticoz, écuyer, seigneur de Perticoz, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, ancien exempt des gardes du corps du roi, demeurant à Compiègne.

L'adjucation sur décret volontaire eut lieu à Compiègne, en la prévôté de l'exemption, le 30 avril 1736, en faveur de M. Perticoz, pour le même prix de dix mille livres.

C'est à M. de Perticoz qu'il faut faire remonter l'idée première de la construction du château de Montois, dont il devait faire ensuite une résidence d'été. Cette construction, qui a été beaucoup agrandie et améliorée depuis, forme encore aujourd'hui le centre de l'habitation actuelle. Elle se composait à l'origine d'un simple pavillon attenant à la ferme, comme on peut le voir par le dessin ci-contre tiré d'un plan par Delettre, arpenteur à Coeuvres, le 17 mai 1736.

Antoine de Perticoz, ancien capitaine exempt de cavalerie aux gardes du corps du roi et chevalier de Saint-Louis, était fils de Louis de Perticoz et de Hauteville, dans la paroisse de Saint-Pierre-de-Ciers, dépendance des Avenières, bailliage de Vienne en Dauphiné (aujourd'hui arrondissement de la Tour du Pin, département de l'Isère) et de Claudine Labbé.

Il avait épousé, le 26 mars 1708, Marie-Anne Cauvel, fille de Pierre Cauvel, sous-lieutenant des chasses de la forêt de Compiègne, et d'Anne Picart, et fut anobli pour faits d'armes par lettres du mois de novembre 1718. Le règlement d'armoiries qu'on lui d‚livra au mois de janvier 1719, et qui se trouve dans les archives de la famille Le Cornier, porte : "un écu d'argent à deux pals de gueules chargé de deux épées d'argent posées en sautoir, les pointes en haut, les gardes et la poignée d'or brochant sur le tout. Cet écu timbré d'un casque de profil orné de ses lambrequins d'argent, de gueules et d'or."

Antoine de Perticoz n'avait pas de post‚rit‚. Son frère François, marié à Anne Rousset, était mort jeune, laissant deux enfants en bas âge, Louis et Marie. Antoine les fit ‚lever et avant de mourir les recommanda à sa femme. Il décéda à Compiègne le 13 novembre 1741, âgé de 76 ans, et son corps fut inhumé dans l'église Saint-Jacques "devant le banc des marguilliers". Anne Cauvel, fidèle à la mémoire de son mari, laissa tous ses biens à ses neveu et nièce, par un testament reçu par Mes Boitel et Bourguignon, notaires à Compiègne, le 17 mai 1750. Marie de Perticoz, mariée à Jean-Pierre-Simon Morant, conseiller du roi, contrôleur au grenier à sel de Compiègne, eut une maison en la rue des Lombards, en cette ville, avec du mobilier et de l'argenterie ; Louis reçut le Montois avec d'autres propriétés.

Anne Cauvel mourut le 21 mai 1750 et fut enterrée, comme son mari, dans l'église Saint-Jacques, à Compiègne, "devant la chapelle de Saint-Grégoire".

Louis de Perticoz était né le 27 mai 1722, à Saint-Pierre-de-Ciers-lez-Avenières. Il servit dans l'artillerie et fut légèrement blessé au siège de Prague. Etant en garnison à Namur, il épousa Jeanne-Catherine Vallée, fille d'Antoine Vallée , banquier et fournisseur de l'armée impériale, et de Marie-Anne Grosse. Les époux se marièrent sans contrat, quoique la femme fut de famille riche ; cependant le père étant mort subitement, il fut impossible de retirer un denier de la succession.

A la mort de sa tante, Louis était lieutenant au régiment de "Royal artillerie". Il ramena à Ressons-le-Long sa belle-mère, sa femme et ses trois fils, n‚s à Namur : Louis-Théodore, le 28 mars 1748 ; Antoine-Louis-Marie, le 3 août 1749, et Ferdinand en septembre 1750. La famille ‚tait à peine installée au château de Montois que Louis y perdit successivement : Marie-Anne Grosse, veuve Vallée, sa belle-mère, le 29 septembre 1751 ; Ferdinand, son troisième fils, le 28 mars 1753, et Catherine Vallée, sa femme, le lundi 29 octobre de la même année ; celle-ci était âgé de vingt-quatre ans seulement. La dépouille de la mère et celle de la fille reposent en paix dans l'église de Ressons-le-Long.

Louis de Perticoz continua son service dans l'artillerie, fut nommé capitaine en 1756, et se remaria, au commencement de l'année 1759, avec Marie-Françoise de France, fille d'Antoine de France et de Marie-Elisabeth de France. Par leur contrat de mariage, passé devant Poultier et son confrère, notaires à Compiègne, le 2 janvier 1759, Mme de Perticoz fut dotée par sa mère, veuve alors, d'une maison sise à Compiègne, rue d'Enfer, estimée quatre mille livres. M. de Perticoz fixa son domicile en cette ville et conserva sa maison de Montois comme résidence d'été. Chevalier de Saint-Louis en 1761, il fut nommé lieutenant-colonel en 1773, mais la Révolution le mit à la retraite. Il vint alors demeurer dans son domaine de Ressons-le-Long et y mourut le 17 mai 1804 (27 floral an XII), à l’âge de quatre-vingt-deux ans, laissant plusieurs enfants :

1ø De Jeanne-Catherine Vallée, sa première femme :

Louis-Théodore de Perticoz, ancien capitaine d'artillerie, résidant au canton des Pamplemousses, en l'Ile de France (aujourd'hui Ile Maurice).

2ø De Marie-Françoise de France, sa seconde femme, née à Longueil-sous-Thourotte, et plus tard décédée à Ressons-le-Long, le 27 mars 1812, âgée de 81 ans : Louis-Antoine de Perticoz, n‚ à Compiègne en 1769, inspecteur des contributions directes du département de la Haute-Marne, résidant à Chaumont. - Marie-Françoise de Perticoz, née à Compiègne le 8 mars 1770, qui avait épousé, le 8 mai 1798, Pierre-Philippe Le Cornier, contrôleur des contributions directes de l'arrondissement de Soissons, demeurant à Septmonts. - Et Antoine de Perticoz, né aussi à Compiègne en 1771, ancien officier d'infanterie, demeurant à l'Ile de la Réunion.

Louis-Théodore de Perticoz, entré au service dans l'arme de l'artillerie, avait passé aux colonies. Il se maria ‚tant lieutenant, à Port-Louis, le 8 septembre 1777, avec Louise Le Clair, fille de Pierre Leclair, décédé à Pamplemousses (Ile de France) et de Barbe Perrot, sa veuve remariée à Joseph-Marie Cauvette du Rove, chevalier de Saint-Louis, commandant le quartier de Pamplemousses. Nommé capitaine, il dut quitter le service au moment de la Révolution, resta à l'Ile-de-France et y mourut le 3 avril 1807, sans enfant, laissant tous ses biens à sa femme.

Antoine de Perticoz, entré dans l'infanterie, devint officier. Comme ses frères, il passa aux colonies, y r‚signa son grade et, le 15 août 1797, épousa à Saint-Denis de la Réunion Marie-Jeanne-Françoise Devine, fille d'un ami de son frère Louis. Celle-ci mourut le 14 avril 1807, à l’âge de vingt huit ans, laissant deux enfants : Antoine-Louis, né le 10 octobre 1798, et Marie-Antoinette-Aurore, née le 3 août 1800.

Antoine de Perticoz mourut d'une manière tragique : il s'était embarqué comme passager sur le brick "la Jeune Claire", commandé par le capitaine Quénot, lorsque le vaisseau fut capturé par les Anglais qui déposèrent de Perticoz, probablement blessé, dans l'Ile de Madagascar où il décéda à Tamatave, le lendemain, dans la nuit du 8 au 9 mai 1808, à l’âge de 37 ans.

Louis Antoine de Perticoz, nommé dès 1806 à Mézières comme inspecteur des contributions du département des Ardennes, se retira plus tard à Ressons-le-Long au château du Montois, où il vécut jusqu'au mariage de son neveu Jean-Baptiste-Julien Le Cornier, comme il sera dit plus loin

Mme Le Cornier, n‚e de Perticoz, mourut à Septmonts, le 31 octobre 1806, à l’âge de trente-six ans, laissant quatre enfants :

1ø Marie-Louise-Philippine Le Cornier, née à Ressons-le-Long, le 13 frutidor an VII (30 août 1799) ;

2ø Marie-Françoise-Clémentine Le Cornier, née aussi à Ressons-le-Long, le 9 germinal an IX (29 mars 1801) ;

3ø Jean-Baptiste-Julien Le Cornier, n‚ à Soissons, le 7 mai 1803

4ø Athénaïs-Scholastique Le Cornier, née à Septmonts, le 22 août 1804 ;

Mme Louis de Perticoz, née de France, mourut après sa fille, le 27 mars 1812 ; à cette date ses petits-enfants étaient sous la tutelle de Pierre-Philippine Le Cornier, leur père, alors âgés de 41 ans, contrôleur de première classe aux contributions directes de l'arrondissement de Senlis, à la résidence de Crépy-en-Valois.

Le domaine du Montois fut laissé dans l'indivision jusqu'à l'âge de majorité de la dernière des demoiselles Le Cornier.

Dans l'intervalle, Marie-Françoise-Clémentine mourut à Crépy, le 31 juillet 1821, sans postérité.

Le partage eut lieu le 22 juillet 1826, devant Me Niguet, notaire à Coeuvres ; les terres étaient divisées en trois lots dont aucun ne comprenait le château, ni ses dépendances les plus proches.

Le premier lot ‚chut à Louis-Antoine de Perticoz.

Le second aux trois enfants Le Cornier.

Et le troisième aux enfants d'Antoine de Perticoz, de l'Ile de la Réunion : Antoine-Louis et Marie-Louise-Antoinette Aurore, devenue femme de Pierre-Almanzi Loupy.

Antoine-Louis, n‚ à la R‚union, s'y maria, mais il perdit sa femme tu‚e par l'aile d'un moulin à vent qu'il venait de construire. lui-même mourut bientôt après, sans postérité. Sa sœur, Mme Loupy, devint son unique héritière, et celle-ci seulement a laissé une descendance qui nous est inconnue.

Louis-Antoine de Perticoz, qui avait régi le domaine et habité le Montois pendant toute la durée de l'indivision, racheta par adjudication, le 6 août 1826, le lot des enfants de Perticoz, et le 3 septembre de la même année, la maison du Montois qui n'avait pas été comprise au partage.

M. Louis-Antoine de Perticoz, devenu seul propriétaire du château, était célibataire. Appelé en février 1837 au mariage de M. Le Cornier, son neveu, il tomba malade à Paris et y mourut, rue des Croix-des-Petits-Champs, nø22, le 14 mars suivant, à l'âge de soixante-huit ans. Avec lui disparaissait le nom des de Perticoz, si brillamment porté par ses ancêtres sur les champs de bataille des règnes de louis XIV et de Louis XV.

En mourant, M. de Perticoz laissait à son neveu Jean-Baptiste-Julien Le Cornier sa propriété du Montois, qui d'ailleurs représentait toute sa modeste fortune. Cette propriété, sans sortir encore de la famille depuis que Jean Levesque l'avait achetée de Claude Molin, le 31 mars 1623, passait donc en 1837 au nom des Le Cornier qui la possédaient encore au début de notre siècle. Il peut être intéressant de donner ici quelques notes rétrospectives sur les origines de ces propriétaires.

FAMILLE DE LE CORNIER. - La famille Le Cornier est originaire de Normandie. Ses armes décrites dans les catalogues et dans les manuscrits de la Bibliothèque Nationale. (Dossiers bleus, volume 211. Armorial de Normandie, etc. Elles portent "d'azur à la tête de licorne d'argent surmontée de deux molettes d'éperon d'or".

Les documents que l'on retrouve sur cette famille à la Bibliothèque, aux Archives du ministère de la guerre et dans les pièces conservées par les générations qui se sont succédées, sont nombreux ; c'est ainsi que nous pouvons citer ici :

Des lettres patentes de 1621 érigeants en fiefs les biens de roture possédés par les Le Cornier, en considération des services rendus aux rois Henri III et Henri IV par leur ancêtre Pierre Le Cornier, seigneur de Sainte-Hélène, qui avait épousé Marie Francart ;

Une maintenue de noblesse datée du 31 janvier 1667, et délivrée sur la production faite au commissaire du roi par Jacques Le Cornier, écuyer, conseiller au Parlement de Normandie en sa chambre de justice depuis 1628, par Robert Le Cornier, écuyer, maître en la chambre des comptes de Normandie, et par Jean Le Cornier, écuyer, conseiller au Parlement de Normandie en 1653, des pièces nécessaires pour prouver qu'ils comptent au moins quatre degrés de noblesse en ligne directe ;

Deux autres maintenues de noblesse accord‚es en 1663 et 1664 aux descendants des Le Cornier, dans des conditions analogues, et constatant d'importants services militaires rendues dans les armées du Roi. La dernière de ces maintenues est accord‚e à Louis Le Cornier, qui la sollicite en considération des services qu'il a rendus aux rois Henri IV et Louis XIII et qui avoue ne pouvoir produire aucun titre ancien parce que ceux qu'il possédait ont été détruits avec son château de la forteresse, voisin de Rocroi, pendant le siège de cette ville.

Divers actes de partages et des contrats de mariages, au nombre desquels on peut citer celui de Louis Le Cornier, qui épousa en 1638 Marie Payant. Ce contrat porte au verso un arbre généalogique des Le Cornier de Sainte-Hélène, "ses parents de la branche aînée", avec la reproduction de ses armes en peinture.

Des pièces nombreuses établissant les services militaires, les nominations de grades, des blessures reçues à la guerre, et les décorations de l'ordre militaire de Saint-Louis accordées aux Le Cornier, dont trois frères et cousins reçurent la croix le même jour.

La liste des membres du Parlement de Normandie, qui ne comprend pas moins de sept Le Cornier, conseillers en la chambre de justice ou maître des comptes ;

Enfin l'arbre généalogique complet de la famille Le Cornier, qui remonte à Nicolas Le Cornier, vivant à Caudebec en 1421, où il épousa la fille d'un receveur du Roi.

Michel Le Cornier, petit-fils de Nicolas, était seigneur de Sainte-Hélène ; il reconstruit en 1476 le château dont il portait le nom. Thomas, fils de Michel, avait épousé en 1506 Denise de La Continière ; il mourut en 1537, laissant deux fils mariés : Robert de Sainte-Hélène et Guillaume de La Continière. Ces deux fils formèrent deux branches que nous allons suivre ici, et dont le propriétaire du début de notre siècle était le rejeton.

Première Branche - Robert Le Cornier de Sainte-Hélène avait épousé en 1543 Barbe Lemercier ; il était conseiller au Parlement de Normandie ; il est mort en 1572 à Sainte-Hélène et fut inhumé dans l'église où l'on voit encore son tombeau. Ses fils étaient militaires : l'un fut tués par Montgommery, au siège de Caudebec ; un autre était officier dans le régiment de "la Marine" ; un troisième, Pierre, n‚ en 1552, fut ruiné par la Ligue, après avoir épousé Marie Francart ; il est mort en 1593, laissant deux fils : Pierre, marié à Marguerite Richard, qui conserva pour ses successeurs le titre de Sainte-Hélène, et Robert, marié à Marie Bigot en 1635, qui reçut celui de Cideville.

Pierre de Sainte-Hélène eut pour fils Jacques, né en 1605, conseiller au Parlement de Paris, et dont le portrait, gravé par Etienne Picard en 1665, figure dans la collection des Estampes de la Bibliothèque nationale. Jacques eut pour fils François, et pour petit-fils François-Armand ; tous étaient conseillers, mais ce dernier ne laissa que des filles, et le titre de Sainte-Hélène mourut avec lui.

Robert de Cideville eut pour fils : Robert, qui mourut sans enfant, après avoir épousé Catherine Fauvel en 1646, et Jean, officier au régiment de "la Reine", qui épousa en 1655 Marguerite de Bailleul et qui mourut à Cideville en 1684, o- l'on conserve la pierre qui recouvrait son tombeau. Jean laissa pour lui succéder son fils Robert, qui épousa en 1689 "sa cousine Mlle de Sainte-Hélène, avec dispense du pape".

Robert n'eut qu'un fils, Pierre-Robert, n‚ à Rouen en 1693, conseiller au Parlement, fondateur de l'Académie de cette ville. Il avait ‚t‚ le condisciple de Voltaire au collège Louis-le-Grand, alors dirigé par les jésuites, et avait entretenu avec lui des liens d'amitié, comme le prouve une correspondance nombreuse qui a été publiée, mais il avait limité ses rapports aux sciences et aux lettres jusqu'au jour où Voltaire, ayant rompu avec un passé pourtant déjà si brillant, avait cherché et conquis dans une philosophie incrédule et dans des amitiés nouvelles le rang que l'histoire du XVIIIe siècle a dû lui accorder.

Cideville mourut sans fortune et sans post‚rit‚ à Paris, en 1776. Il léguait à l'Académie qu'il avait fondée sa précieuse bibliothèque, et à ses concitoyens le souvenir d'un grand caractère. Son portrait, peint par Voirot, fut placé dans le musée de Rouen, où on le voit encore aujourd'hui ; il fut gravé par Bacheley, et l'on trouve des exemplaires de cette gravure aux estampes de la Bibliothèque, ainsi que dans les archives de la faille Le Cornier.

Deuxième Branche - Guillaume Le Cornier, seigneur de La Continière et frère de Robert de Sainte-Hélène, avait épousé en 1535 Marie Pothier ; il mourut en 1553. Son fils Claude était mari‚ à Guillaumette de Loisy, il décéda à la Continière en 1577, laissant un fils, Thomas, qui épousa Françoise du Val en 1580, et qui fut témoin, en 1588, de l'assassinat du duc de Guise au château de Blois, lors de l'assemblée des Etats Généraux convoqués dans ce château par le roi Henri III. En effet, Thomas, jurisconsulte éminent et conseiller de l'Echiquier, avait été député par le comté d'Alençon aux Etats Généraux du royaume. Il avait un père, non marié, dans la marine royale, et laissa deux fils, tous deux officiers dans l'armée de terre : Simon qui mourut sans enfant, et Thomas (nommé comme son père) qui quitta la Continière pour venir habiter avec sa femme , Marie Auger, la seigneurie de la Forteresse, à La Cerleau, près de Rocroi, où il mourut. Son fils louis ‚tait n‚ en Normandie. Officier dans l'armée royale à la Rochelle, veuf de Marie Payant, sa première femme, il s'y remaria en 1660 avec Anne Pagès, qui avait abjuré la religion protestante. Il laissa en mourant trois fils militaires : Philippe, capitaine, Louis-Antoine, lieutenant-colonel au régiment de la Reine, et Joachim, capitaine, et depuis major de la citadelle de Cambrai, marié à Elisabeth de Maintenant.

Joachim Le Cornier mourut à Cambrai en 1742, sa femme se retira à Compiègne. Il laissait un fils, Philippe-Joachim, né à Cambrai en 1725. Celui-ci était lieutenant au régiment de Dauphin‚ en 1734. A la bataille de Berg-op-Zoom, en 1747, il fut couvert de blessures, ainsi que le rapporte "l'Historique du Régiment, par M. de Roussel", et nommé capitaine au régiment de Saint-Chamond la même année, puis chevalier de Saint-Louis en 1755. Veuf en premières noces de Mlle Sussy de Clisson, il avait ensuite épousé en 1769, à Crépy, Marie-Françoise-Denise de La Granche et s'était retiré à Compiègne, après 44 ans de service et sept campagnes ; il y mourut le 13 floral an XI (3 mai 1803), quatre jours avant la naissance de son petit-fils Jean-Baptiste-Julien Le Cornier. Philippe-Joachim avait laissé, en mourant, un fils unique, Pierre-Philippe, né à Crépy le 21 août 1770, lequel épousa, le 8 mai 1798, Marie-Françoise de Perticoz, ainsi que nous l'avons dit précédemment.

Pierre-Philippe Le Cornier avait été arrêté comme suspect en 1793, avec sa mère, et envoyé avec elle à la prison de Chantilly, lui le 17 septembre, elle le 29 octobre. Tous deux furent transférés à Liancourt, la mère le 6 thermidor et le fils le lendemain, et ils ne durent leur salut qu'à la Révolution thermidorienne (27 juillet 1794) qui vint les d‚livrer avec tant d'autres d'une mort presque certaine.

Pierre-Philippe Le Cornier habitait Crépy-en-Valois où il avait été contrôleur des contributions directes ; il y est mort le 21 janvier 1853, laissant un fils, Jean-Baptiste-Julien, marié avec Anne-Victoire Marc, fille de Jacques Marc, juge au tribunal de Rouen. C'est lui que nous avons vu héritier, en 1837, de son oncle de Perticoz, et recevoir de lui le château du Montois avec la plus grande partie des terres de ce domaine. Il avait remplacé son père dans le contrôle des finances à Crépy, puis à Digne et enfin à Reims où il avait été nommé contrôleur principal hors classe. La santé de Mme Le Cornier l'obligea à quitter sa carrière pour résider à Paris où il fut nommé chef de service au chemin de fer d'Orléans, presque à la formation de la compagnie. Après la mort de sa femme, d‚c‚d‚e à Ressons-le-Long le 10 juin 1863, il se retira au Montois où il mourut lui-même le 19 janvier 1874. Il avait relevé sur sa tête le titre nobiliaire de Cideville, autrefois porté par ses ancêtres dont il restait le seul représentant, et nous verrons bientôt qu'il consacra les dix dernières années de sa vie à améliorer et à embellir sa propriété qu'il comptait laisser à son fils, Marie-Pierre.

Mais ici termine le résumé des recherches que nous avons faites sur la famille Le Cornier, puisque nous avons établi sa filiation depuis 1421 et que nous somme arrivé au dernier des rejetons de cette famille. Il faut donc reprendre l'historique de cette propriété que nous avons interrompu en 1837, à la mort de Louis-Antoine de Perticoz, dernier du nom.

Nous avons vu qu'à cette date, Jean-Baptiste-Julien Le Cornier de Cideville, déjà propriétaire indivis avec ses deux sœurs du deuxième lot du partage passé devant Niguet le 22 juillet 1826, avait hérité de son oncle Louis-Antoine de Perticoz : 1ø le premier lot de cette propriété qui lui avait été attribué en propre ; 2ø le troisième lot racheté par l'adjudication le 6 août 1826 ; 3ø le château du Montois resté indivis entre les enfants de Mme Louis de Perticoz, en 1812, et racheté par adjudication du 3 septembre 1826. Dès l'année 1837, M. Jean-Baptiste-Julien Le Cornier commença à apporter au Montois de grandes améliorations.

La terrasse qui borde le chemin communal n'avait, dans l'origine, que cinq à six mètres de largeur, et l'entrée commune du pavillon et de la ferme était au nord-est de la cour. En 1858, le chemin vicinal, qui va de Ressons-le-Long à Vic-sur-Aisne, fut recul‚ vers le nord afin de faciliter la circulation en rectifiant les courbes trop prononcées ; ce déplacement permit de doubler la largeur de la terrasse. L'ancienne entrée fut alors reportée dans le bas du ravin, au nord-ouest du château. Une entrée voûtée, pour les piétons, a été aménagée à la place de l'ancienne grand'porte. Non loin de cette ancienne entrée était le départ de la Rue Marin, montagne qui fait aujourd'hui partie du parc de Montois.

La ferme qui ‚tait situ‚e à l'ouest du pavillon de 1736 et qui y tenait, ainsi qu'un gros pigeonnier ont entièrement disparu. L'ancien puits seul a été conservé.

Les bâtiments composant les communs actuels, à l'est, ont été construits successivement par M. Jean-Baptiste-Julien Le Cornier sur l'emplacement de plusieurs maisons voisines de la propriété et près desquelles se trouvait le départ de la Rue Marin ; une seule de ces maisons a été conservée, elle existe encore dans l'état où elle avait été construite et n'a subi que quelques réparations.

La propriété ancienne finissait à l'ouest dans le fond du ravin ; elle a été très étendue de ce côté, ce qui a permis à M. Julien Le Cornier d'agrandir le parc en continuant sur trois cents mètres de longueur le mur de terrasse qui existait devant le château et de construire une chapelle en 1865 sur l'emplacement d'une maison ayant appartenu aux ‚poux Boudin, situ‚e au bord du ravin. Cette chapelle fut bénite le 8 septembre 1868, par M. l'abbé Delahaigue.

Ce M. Delahaigue, après avoir quitté en novembre 1862 la cure de Vic-sur-Aisne où il était doyen, était venu habiter la maison d'une ancienne petite ferme acquise des époux Lucien Véron, en 1843, par M. Le Cornier et situ‚e en face de l'entrée principale actuelle de la propriété. La petite ferme a été démolie ultérieurement, mais la maison existe toujours. M. l'abbé Delahaigue attendit là une stalle de chanoine à la cathédrale de Soissons, qui lui fut donnée en 1864.

Le parc, étendu à l'est et à l'ouest, fut aussi agrandi vers le midi par M. Julien Le Cornier, jusqu'à la route de Noyon à Villers-Cotterêts, par suite d'acquisitions diverses de terres, de savarts et de divers chemins reconnus sans utilité. C'est ainsi qu'il renferme aujourd'hui une partie de l'ancienne Montagne-Blanche.

M. Jean Baptiste-Julien Le Cornier de Cideville, en mourant à Ressons-le-Long, le 19 janvier 1874, laissait deux enfants : un fils, Marie-Pierre Le Cornier de Cideville, né à Crépy-en-Valois, le 3 février 1838, et une fille, Marie, née au même lieu en 1840. Cette dernière a épousé M. Gabriel Parent du Châtelet, elle habita après son mariage le château de Nagel, au canton de Conches-en-Ouche (Eure), qui lui vient de sa mère et a quatre filles.

Marie-Pierre Le Cornier de Cideville, veuf en premières noces de Marie-Françoise Grenet qui lui avait donné deux fils morts en bas âge, a épousé en secondes noces Hélène-Marie de Fouler de Relingue, à Lillers (Pas-de-Calais), le 14 mai 1873.

A la mort de Jean-Baptiste-Julien Le Cornier de Cideville, ses deux sœurs, qui avaient conservé, depuis 1826, leur part dans le deuxième lot du partage de Perticoz, au domaine de Ressons, firent donation, en mai 1874, de toutes leurs propriétés à leurs neveu et nièce, dans le but de faciliter la division de leur père.

Quelques jours après, M. Pierre Le Cornier et sa sœur partagèrent le tout devant Octave Trousselle, notaire à Paris. Le château du Montois, auquel se trouvaient réunies toutes les terres qui avaient composé autrefois le domaine de la famille de Perticoz, échut à M. Pierre Le Cornier de Cideville, qui en est aujourd'hui propriétaire.

Depuis ce temps, M. Pierre Le Cornier n'a cessé d'augmenter et d'améliorer cette propriété, qui comptait au début du siècle plus de cent hectares, dont quarante environ d'un seul tenant entouraient le château.

M. Le Cornier a fait agrandir l'ancienne demeure de ses a‹eux par de nouveaux et intelligents travaux exécutés pendant les années 1875 et 1876. L'ancienne habitation, construite en 1736 par Antoine de Perticoz, a été conservée ; elle fait le centre du château actuel et porte encore sur sa façade nord la date de 1736, formée par les ancres en fer des poutres. Deux pavillons et une tourelle ‚lev‚s à l'est et à l'ouest ont été adossés à l'ancien château. Une autre tourelle fut édifiée en 1890 sur la façade nord, et cet ensemble fait aujourd'hui du château de Montois l'une des plus agréables résidences de nos environs, ce qui permis de dire au journal Le Figaro, du 23 septembre 1896 : " Au joli castel de Montois on trouve M. Le Cornier de Cideville et Madame, n‚e de Fouler de Relingue, qui y séjournent fort avant dans la saison".

 

 

 

Le château du Montois et la Première Guerre mondiale.

Pendant la première Guerre Mondiale, l'armée française réquisitionna des grands domaines ainsi que de grandes demeures afin d'y loger ses hommes et d'y installer l'Etat Major.

Ce fut la 3ème Compagnie du 14ème Régiment d'Infanterie territorial qui stationna au château du Montois alors qu'au même moment, les creuttes de Ressons abritaient le 203ème régiment d'artillerie mais aussi la 9ème Compagnie du 64ème Régiment territorial.

La compagnie qu'abrita le château du Montois était composée de près de 10 officiers, une vingtaine de chevaux, et pas moins de 180 hommes de troupe.