travail effectué par Bernard Ruelle en
Juillet 1987
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Un
village se raconte
RESSONS-LE-LONG
Des origines à la Révolution (1)
Nouvron Vingre,
Coeuvres et Valsery, Montigny Lengrain !...! Depuis
novembre dernier, les villages du canton de Vic sur Aisne se
racontent chaque samedi dans l’Aisne Nouvelle et notre série
part aujourd’hui à la découverte
d’une nouvelle commune : Ressons le Long qui se
situe au sud est du chef lieu du canton. Cette étude sera réalisée
en très étroite collaboration avec M. Pierre Meyssirel,
maire de Ressons, qui travaille depuis de nombreuses années
sur l’histoire de son village.
Après Ressontius en 858, puis Resson, Resuns, ou encore
Ressonia, apparaît, Ressonus-Longus en 1821 qui deviendra
Ressons-le-Loncq… et Ressons-le-Long à partir de 1827. Et
ce nom pourrait dériver du latin Rothus qui signifiait
« Bois défriché – métairie ».
La
commune comprise dans un triangle délimité par deux voies
romaines couvre une superficie d’un peu plus de 1 015
hectares qui partent des plateaux élevés à la Vallée de
l’Aisne. Et les quelques sept cents habitants du village
habitent le bourg même ou les hameaux de Pontarcher, Gorgny,
Mainville, Cheneux, Montois, la Vache Noire…
Les carrières ou creuttes qui s’ouvrent au flanc du
plateau sous la ferme de la Montagne ont pu abriter les
premiers habitants de Ressons mais aucune découverte archéologique
ne confirme cette occupation. Cependant, il est fort possible
que les chemins probablement tracés furent repris par les
romains qui les transformèrent en véritables chaussées. La
voie romaine arrivait alors de Reims et Soissons pour suivre
la vallée de l’Aisne jusqu’à Vic où elle franchissait
la rivière et la nationale 31 l’emprunte encore
jusqu’au Bois des Châssis à partir duquel l’ancienne
chaussée se retrouve sous la forme d’un chemin empierré et
rehaussé. Mais à Pontarcher, un second tracé bifurquait
pour grimper en ligne droite à « la rue à l’eau »
et rejoindre ainsi le plateau, la Croix Rouge puis Champlieu
et Senlis.
Le
camp romain d’Arlaines
Depuis longtemps, la tradition populaire signalait
l’existence « d’une ville » prés de la
bifurcation des deux voies à Pontarcher au lieu-dit « Arlaines »,
Napoléon avait d’ailleurs eu du mal à y faire installer
une tente, … en perçant des mosaïques !... pour y
accueillir en 1810 Marie Louise d’Autriche que, trop
impatient, il rencontra dés Courcelles. En 1851, des
ouvriers, occupés à creuser le chemin de Fontenoy à la
Nationale, découvrirent des fondations de murailles, des médailles,
des fibules… et un tas d’œufs ! Des fouilles furent
alors dirigées par l’abbé Pêcheur, fouilles qui furent
reprises par sondages par M. Michel Réddé à partir de 1976
dans le cadre des travaux du C.N.R.S.
Il est ainsi bien confirmé que Arlaines fut
un camp militaire romain du 1er siècle, construit
pour la cavalerie entre 20 et 40 après J.C. sur la forme
d’un rectangle de 280 m sur 175 m avec pour rempart un mur
large d’environ 1,85 m. Les dernières campagnes de fouilles
permirent de mettre à jour les Principia (bâtiments de
commandement), la partie Nord et surtout les thermes avec le
foyer contenant encore des cendres, des réseaux de
canalisation qui pourraient provenir des flancs du coteau
où les sources, notamment celle de la Douïe, auraient
pu ravitailler le camp en eau. Des traces d’habitat vers le
Nord pourraient laisser supposer la présence d’un « vicus »
(village gallo-romain) alors que la nécropole se situait
perpendiculairement à la chaussée de Ressons comme le
prouvent les dégagements de squelette dont celui d’un
adolescent avec son sarcophage. Quant au camp, il fut abandonné
par les militaires à la fin du premier siècle puis
certainement réoccupé avant de tomber en ruine et dans
l’oubli, ses vestiges ayant été arasés tout comme le
vicus routier que des photos aériennes réalisées par Michel
Bourreux ont repéré (trous de poteau, palissades, …) au
lieu-dit « Le grand fossé » proche de la voie
romaine aux limites de Vic, Berny et Ressons.
La
naissance d’un village
Au VIe siècle, selon la légende, Saint Georges, patron de
l’Angleterre, parcourait le Soissonnais en ayant passé
l’Aisne à Vic tandis que Saint Martin venait de Montigny.
Mais Saint Martin, voulant se débarrasser de son rival pour
conquérir le paroisse d’Ambleny, envoya Saint Georges vers
les marais de Ressons où ce dernier s’enlisa avant d’être
secouru par les habitants du village à qui il accorda son
patronage.
Mais si l’on a retrouvé des tombes, paraissant daté de
l’époque mérovingienne, à la Croix Saint Pierre (peut-être
est-ce l’ancien cimetière ?) il faut attendre 858 pour
que le village soit
mentionné dans une charte de Charles Le Chauve cédant
Ressontus à l’abbaye Notre Dame de Soissons. A partir de
cette date, les abbesses ne cessèrent d’accroître leurs
propriétés jusqu’au 14e siècle, devenant en même
temps vicomtesses de Ressons. Pour assurer la sécurité de
leur domaine, elles remirent la garde et la défense du
village à un chevalier qui s’installa en qualité d’avoué
puis de seigneur, à la ferme de la Montagne, principale
propriété fortifiée de l’abbaye dans laquelle on fonda
une chapelle. Et cette résidence devint une exploitation
agricole en 1337. Jusqu’à la Révolution, l’Abbaye Notre
Dame de Soissons conserva la principale seigneurie du village
qui relevait de la châtellenie de Pierrefonds tandis que
d’autres petits fiefs subsistèrent à Mainville, Montois,
Poulandon et que d’autres communautés religieuses possédaient
des biens sur le terroir.
A partir du 10e siècle, après les défrichements,
le village s’organisa et l’église fut construite à la
fin du 11e siècle avant que les lambris du carré
de son transept ne soient remplacés par une voûte de pierres
en ogive au 13e siècle. Quant au presbytère, il
devait se trouver dans l’actuelle ferme de M. Carrier où
une inscription (1366) peut rappeler sa construction. Mais après
sa destruction pendant les guerres de religion, il fut remplacé
par une maison contiguë à l’église que les paroissiens
offrirent à leur curé en 1596. Dans le même temps, les
croix se multiplièrent sur les chemins et sont encore
aujourd’hui à l’origine de lieux-dits comme la Croisette,
la Croix Saint Pierre, Jean-Guérin, Rouge, Blanche…
Les
grands domaines
A la fin du 12e siècle, une maladrerie fut établie
prés de Arlaines pour isoler les lépreux de Ressons et
Ambleny du reste du monde. Remis à l’Hôtel Dieu de
Soissons, cet ensemble, aujourd’hui la ferme de Pontarcher)
fut transformé en exploitation agricole dés le 17e
siècle alors qu’un moulin à papier fonctionnait tout prés
de là sur le rû de Retz dés le 16e siècle.
Installé prés du pont à péage, Jehan Regnart fit plus ou
moins fortune en transformant les chiffons en papier et cette
activité fut abandonnée par Martin de Rumigny en 1637.
Les guerres de cent ans ayant apporté leur cortége de
violences et d’exactions, la ferme de la Montagne et le
corps de logis de la petite cense furent fortifiées avec un
pignon armé de deux échauguettes à l’Est et une tour carrée
à l’Ouest tandis que des contreforts
épaulaient le grand mur surmontant le glacis. Quant à
la grange de la grande cense, elle fut construite vers le 14e
siècle.
Mais cette belle demeure de la Montagne n’était pas la
seule bâtisse importante de Ressons-le-Long qui comptait
plusieurs autres grands domaines. Au Montois, la petite ferme
de Jehan Molin construite avant 1580 resta dans la famille Lévesque
de 1623 à 1735 avant de devenir, cette année-là, un beau château
construit par Antoine Perticoz. Mais ce fief du Montois avait
été réuni par Jean Bonet à celui de Mainville. Fief
seigneurial dés la fin du 15e siècle, Mainville
avait été régi par Jean d’Argentan, qui avait le passage
franc du bac de Vic, avant de se voir adjoindre les fiefs de
la Douve et du Montois. En 1671 Jean Bonet fit rebâtir le château
et améliora la propriété et la ferme attenante. Acquis en
1764 par Françoise Chevallier de la Souricière, Mainville
passa aux mains de Jean-Baptiste Bonardi qui hérita du
domaine en épousant Marie Chevallier, la nièce de
l’ancienne propriétaire.
Mais auparavant, Mainville avait appartenu au seigneur du
fief de Poulandon régi par la coutume du Valois. Construit dés
le 14e siècle,
(par référence aux travaux de M. Bernard Ancien), le
manoir de Poulandon comportait un logis avec plusieurs
tourelles et une enceinte sur laquelle vint se greffer le
pavillon du Sud-Est vers 1550. Après François de Bosbecq en
1589, Nicolas de Gonnelieu passa aux mains de la famille des
De Bezanne. Et le domaine fut loué à des fermiers nommés
receveurs de Poulandon à partir de 1719 tandis Charles de
Lancry, seigneur de Rimberlieu, devint en 1756, le dernier
seigneur de Poulandon.
Avec
sa grange des Dîmes (dans la grande cour, prés de l’actuel
monument aux morts), son notaire, sa vie religieuse intense
(on baptisa bien des cloches en 1671, 1733…) ses cent
quatorze feux (familles) en 1706… Ressons-le-Long était un
pays assez prospère que n’épargnent cependant pas les
grandes disettes de 1661 et 1662, les épidémies de peste en
1668 et maints fléaux avant que ne se déclenche la grande révolution
de 1789.
Un
village se raconte
RESSONS-LE-LONG
Des origines à la Révolution (2)
Samedi dernier, dans
notre premier volet sur l’histoire de Ressons-leLong, nous
avons évoqué l’existence de grands domaines sur le
territoire de la Commune. Mais à la prospérité succéda la
misère avec les disettes de 1662, la peste en 1668, une épidémie
de variole qui tua 23 jeunes enfants en 1759 avant qu’un
orage de grêle ne détruise toutes les récoltes le 13
juillet 1788. Avec les hivers rudes, le froment se fit de plus
en plus rare et les mendiants couraient les chemins sans
pouvoir être secourus.
C’est dans ce pays
désolé que , le 3 mai 1789, Martin Liénard, de Montigny fut
nommé adjudicataire des travaux nécessités par l’état du
presbytère et de l’église où l’on avait baptisé, le 11
juillet 1785, la grosse cloche du nom de Marie Charlotte. Au même
moment, les Etats généraux se réunissaient à Versailles et
l’on allait entrer dans la Révolution.
Mais cette Révolution se déroula dans un calme relatif à
Ressons-le-Long. Le 4 février 1790, les citoyens actifs (ceux
qui payaient des impôts) se réunirent pour élire, au deuxième
tour et par 26 voix sur 46 votants, Pierre Ignieux, laboureur,
comme maire du village. Puis le 27 juin, huit hommes sur les
138 citoyens valides de 16 à 60 ans furent choisis pour
former la garde nationale et célébrer, avec la population,
la fête de la Fédération le mercredi 14 juillet 1790. Après
la messe, Pierre Ignieux prêta serment et l’on tira des
coups de fusil en l’air. Devenue Bien national, la ferme de
la Montagne, louée par l’abbaye Notre Dame de Soissons à
Warenflos, fut vendue le 28 décembre 1790 à De Bonardi de
Mainville avant de passer à ses descendants les De Bonnechose
et les De Luze. Mais Warenflos en garda la location jusqu’en
1796, tandis que la grande Cense et la petite Cense furent réunies
en 1803 lorsque la commune accepta de détourner vers le sud
le chemin menant du Chatelet à Ambleny. Quant à la ferme de
la Grue, elle fut cédée à Antoine Fauvelle en 1793.
L’ordre
respecté
Alors que le curé Louis Sébastien Rémy avait prêté
serment à la constitution dés le mois de novembre 90,
l’effectif de la garde nationale fut porté à soixante-deux
hommes dont un tambour… et un drapeau béni le 5 décembre .
Mais cette garde nationale n’avait que peu de travail…
sauf pour rappeler à l’ordre Clothilde Déhus qui gêna le
service divin le 14 novembre 90 et injuria l’officier
Charles Bailly en pleine église
ou pour faire condamner trois ouvriers de la Gorge de
Montigny qui étaient venus travailler la terre à Ressons, le
jour de la Saint Georges ! On en était encore à
respecter l’église et les saints ! Dans le premier
projet de constitution des départements, Ressons-le-Long fut
rattaché au canton de Coeuvres jusqu’en 1801. Quant au maître
d’école, Antoine Oudoux, il fut nommé officier public pour
tenir les registres de l’état civil dés le 2 novembre
1792. Sur ordre de la municipalité, Jacques Lemoine,
charpentier à Ambleny, installa une horloge dans le clocher
de l’église en octobre 91. Alors que la commune était
venue en aide aux enfants de Clotilde Blangeois, épouse du
tisserand Larue, tuée par la foudre le 23 août 92, Nicolas
Bailly, fermier à Poulandon, causa bien des soucis à la
municipalité en voulant couper vingt-cinq peupliers sur un pâturage
à usage communal.
Des
réquisitions mal acceptées
Mais les douze fermiers du village
qui possédaient alors quinze charrue et cultivaient prés de
1 000 arpents surtout situés en vallée (environ 510
hectares) en froment, avoine, orge, seigle, foin et
lentilles… allaient connaître bien des déboires avec le
gouvernement révolutionnaire ! Les réquisitions allèrent,
en effet bon train ! Dés 1792, il fallut approvisionner
le marché de Coeuvres où les bateaux au port de Vic. Devant
le peu d’empressement des fermiers à livrer une grande
partie de leur récolte pour nourrir les populations des
villes ou les soldats de la Révolution, les commissaires de
Soissons accompagnés de chasseurs à cheval vinrent
surveiller les battages de grain et perquisitionner pour
emporter les chevaux, les foins, le froment,… Parfois au
risque d’être guillotinés, certains fermiers – comme le
citoyen Fauvelle - refusèrent
d’obtempérer. Dans le même temps, Germain Asset,
l’aubergiste de la Vache Noire, recevait des quantités de
cidre pour désaltérer les régiments de passage.
Mais les réquisitions ne touchèrent
pas seulement les paysans et le village dut fournir des
couvertures… et les hommes de 18 à 25 ans pour la guerre.
Quant à l’église, elle fut vidée des ses objets, vendus
comme biens nationaux. Dés 1792, la croix de procession, les
burettes… fournirent prés de 5 kilos d’argent. Le 15
octobre 1973, la moyenne et la petite cloche furent descendues
pour être emporter à Soissons et être fondues en canons.
Puis les chandeliers, les vases et le mobilier suivirent le même
chemin tandis que le presbytère était loué. D’ailleurs,
le 9 février 1794 (21 pluviose An II), calendrier républicain
oblige ! L’église fut désaffectée et devint le
Temple de la Raison, placé sous la surveillance de Simon Déjardin
désigné comme agent national. Et le 29 juin 1974, Martin
Perdu et Simon Durant commencèrent à gratter les emblèmes
religieux malgré les protestations de Jean Taquoy. Il fallut
attendre le 6 mai 1796 pour que cette église de Ressons le
Long fut rendue au culte.
Avec Bonaparte, les guerres
continuèrent et le 31 octobre 1802, les conscrits se présentèrent
au conseil de révision dans l’église de Ressons le Long.
Après que Florentin Ignieux, Louis Dehus et Jean-Baptiste
Destrez aient été exemptés
pour raison de santé, on procéda au tirage au sort.
Parmi les quatorze conscrits présents, François Dubois, de
Montigny, Lucien Dubois, de Resssons et Pierre Muret, de
Pernant tirèrent le mauvais billet qui fit d’eux des
soldats.
Le
clocher démoli
Le 20 janvier 1811, Marc Goret, couvreur et plâtrier
à Vic, se vit confier en adjudication la démolition du
clocher en pierre qui surplombait alors le portail de l’église.
La cloche fut transportée sur une charpente au cimetière et
les travaux furent terminés en mars. En décembre de la même
année, le conseil décida de reconstruire un nouveau clocher
mais les guerres et les invasions repoussèrent cette réalisation
en 1828 quand le sieur Déjardin, charpentier, exécuta
l’ouvrage, le clocher que l’on voit encore aujourd’hui
et qui reçut la cloche Marie-Charlotte.
Pour faciliter le logement des troupes et la répartition
des contributions, les maisons de la commune furent numérotées
à part de l’est.
Une
nouvelle mairie-école
Neveu de Antoine Oudoux, le maître d’école de
Ressons-le-Long qui mourut en 1815, Jean Oudoux, loua la
maison de son oncle, maison située sur la place publique
tout prés de la rue principale, pour y établir une école.
Puis la commune acheta l’immeuble en 1828 pour le
transformer en mairie-école-logement et presbytère. Mais en
1846, on décida de démolir l’ensemble pour pouvoir
reconstruire un bâtiment en arrière vers le cimetière. Au
rez-de-chaussée, on aménagea une salle de classe et le
logement de l’instituteur. Le premier étage fut réservé
à la mairie et le sous-sol abrita le corps de garde et la
pompe à incendie achetée en 1840 pour les trente-deux
sapeurs-pompiers qui ne purent éviter la destruction par le
feu de la ferme du Larris Saint-Pierre le 20 septembre 1843.
Au dessus de la mairie, s’élevait un clocheton étroit et
la cloche sonnait les entrées et sorties d’école, les
heures de scrutin et le tocsin. Une horloge compléta le tout
en 1853.
Tous ces travaux, payés 16 275 F par la vente de
9 hectares de terrains communaux, furent terminés en 1847.
Dans le même temps, une maison, située à l’est de
l’église et appartenant à M. Louis Lucot, fut acquise pour
être aménagée en presbytère. Après les journées révolutionnaires
de février 1848, l’euphorie gagna Ressons-le-Long et, le
dimanche 9 avril une grande cérémonie eut lieu sur la place
publique. La garde nationale, les sapeurs-pompiers, le conseil
municipal présidé par M. Moutailler, maire par intérim,
assistèrent à la plantation de l’arbre de la liberté qui
fut béni par le curé. Les chants patriotiques, la
Marseillaise et un grand bal populaire prolongèrent la cérémonie
officielle. Mais cet enthousiasme fut tempéré l’année
suivante par une épidémie de choléra qui tua quarante-six
personnes dont dix-huit dans le seul mois de juillet, et ce
malgré le dévouement exemplaire du docteur Arthaud, de Vic
sur Aisne.
Mais le village continuer à vivre, en surmontant cette
nouvelle épreuve et en se préparant à aborder l’aube de
XXe siècle avec des constructions qui contribueront à sa
prospérité comme la création du chemin de fer de Soissons
– Compiègne ou la construction d’une distillerie à la
Ferme de la Montagne. Ce sera l’objet de notre volet de
samedi prochain.
Un
village se raconte
RESSONS-LE-LONG
A l’aube du 20e siècle (3)
Après la mairie-école,
un nouveau clocher, les pompiers et un arbre de la liberté
(voir notre volet du samedi 30 mai), Ressons-le-Long se dota
de fontaines. Le premier lavoir fut construit au Cheneux en
1858 et payé en partie avec une souscription lancée auprès
des habitants. Le lavoir couvert de la Grue en 1864, celui du
bout de la ville au Montois puis celui de Gorgny en 1871
desservirent les hameaux comme les fontaines publiques alimentées
par les nombreuses sources du flanc de coteau. Cette eau ne
faisait pas défaut et le moulin à vent de la chaussée
Brunehaut fut vite remplacé par des moulins à eau comme
celui de Poulandon (il cessa toute activité dés le 17e
siècle), celui du trou Poncet dont on retrouvera la meule en
1850 ou encore ceux de Pontarcher (l’un à papier, l’autre
appelé Ansellin) qui s’arrêtèrent définitivement en
1885.
Mais la guerre de 1870 ravagea le pays tandis que les
habitants de Ressons avaient collecté 588 F dés le 30juillet
pour les blessés de l’armée du Rhin, ils virent arriver
300 hussards prussiens qui s’installèrent au château de
Mainville le 13 septembre. Intervenant auprès du colonel, M.
Cranney sauva deux cultivateurs considérés comme espions. Le
village dut quand même livrer une vache, du foin, de la
paille, de la nourriture… et ces taxes continuèrent à être
imposées par l’occupant tout au long de la guerre sans
oublier les 300 F de rançon exigés pour la libération de M.
Cranney, devenu otage après la coupure de fil télégraphique
à Gorgny.
La guerre finie, la commune décida de créer une école de
filles. La maison de Routy (où l’on devait faire rouir le
chanvre), ancienne propriété de Notre-Dame de Soissons
vendue comme bien national à Philippe Lucot, fut achetée à
M. Danré de la Maladrerie. Dés le 1er 1876, deux
sœurs congréganistes reçurent les filles du village alors
que François Leveaux venait de prendre sa retraite après
avoir été instituteur zélé et dévoué à l’école des
garçons de 1833 à 18 7. Enfant du pays, il avait fait
disparaître, en 1839, l’antique usage de la bûche
obligatoire pour chaque élève et à sa mort, il légua 20 000
F pour le bureau de bienfaisance et 8 000 F pour fonder
la caisse des écoles.
Des
vignes sur les chemins
L’un
des grands soucis de la municipalité de l’époque fut aussi
la réfection des chemins. Des emprunts furent contractées en
1882 et permirent à l’ agent voyer d’aligner les rus en déplaçant
des puits tandis que le conseil souhaitait qu’on replante
des pommiers au bord du chemin de Compiègne à Soissons afin
de donner de l’ombre aux bêtes et aux charretiers. Les
arbres du pays avaient d’ailleurs souffert de l’hiver très
rude de 1879 qui avaient provoqué des dégâts dans les
cultures et notamment dans les vignes alors florissantes à
Ressons. Car, si les habitants du village (on en comptait 644
en 1872) buvaient beaucoup de cidre fait avec les pommes du
pays de Normandie, ils aimaient également « leur
piquette ». La vigne, presque à l’état sauvage,
grimpait alors aux pommiers, pruniers, aux épines du bord des
chemins. Certains gros ceps portaient jusqu’à 400 grappes
et les vendanges effectuées à l’échelle commençaient
vers le 15 octobre. Pour les quelque 80 parcelles de vigne, on
récoltait prés de 500 hectolitres avant 1870 et les
tonneliers ou cabaretiers faisaient fortune.
Des
pierres pour le grand palais
Car on avait souvent soif surtout quand on travaillait
aux cendrières ou aux carrières. L’argile à lignites du
fond de vallée était en effet utilisé comme engrais appelé
cendres noires et les « cendrières » étaient
nombreuses comme au Bois des Châssis.
Mais
c’était les carrières de pierre qui occupaient le plus de
monde. Ouvertes au public à flanc de colline, les premières
furent d’abord utilisées pour construire les maisons du
pays. Puis on en ouvrit prés d’une dizaine sur le
territoire de la commune car, à partir de 1850 avec la
canalisation de l’Aisne, on put envoyer les pierres de
Ressons par bateau vers Compiègne où l’on construisit de
nombreuses maisons, ou vers Paris pour édifier de nombreux bâtiment
dont une partie du Grand Palais. Pour les travaux de
l’exposition de 1900, les carrières de Ressons occupèrent
jusqu’à 120 ouvriers pour tirer quelque 10 000 mètres
cube de pierre en 1898-1899. Mais en temps normal, la moyenne
n’était que de 15 employés en été et 70 en hiver.
« Il y avait des carrières de MM. Liéveaux, Toupet, Crépin,
Boufflet… et Girandier qui
avait son port à Vic (aujourd’hui à la Carva) », se
souvient Madeleine Milcent qui habite toujours la maison
construite par son grand-père au Montois en 1893. « Ma
grand-mère me l’a raconté plusieurs fois ! Son mari
était tâcheron et employait lui-même des ouvriers. Les
carriers pouvaient alors prendre pour eux les pierres abîmées
et c’est comme cela que mon grand-père put construire sa
maison à l’age de 28 ans avec des pierres de « La
Divine ». La tache de ces hommes n’était guerre
facile ! Il fallait décrocher et extraire les gros blocs
avec la lance… puis les charger sur les chariots pour les
envoyer au port de Vic ou plus tard à la gare. C’était une
grande activité pour le village ! Et cela a duré
jusqu’à la grande guerre ! »
Cette activité occupa aussi les loisirs d’un
gendarme retraité ! Adolphe Blanchard
passa en effet tout son temps pendant
vingt ans à extraire de la pierre pour construire,
lui-même une haute tour de vingt mètres
en bordure du chemin de la Croix Blanche. Il jouissait
de là d’un magnifique panorama
sur la vallée de l’Aisne. Mais la toue fut démolie
pendant la guerre et ses pierres furent utilisées pour
construire le séminaire de Soissons. Alors que M. Blanchard
avait érigé une autre tour dans la cour de sa maison de la
rue de la Douïe, les élèves de M. Meyssirel retrouvèrent
en 1980, l’emplacement de l’ancienne tour Blanchard.
L’age
d’or du chemin de fer
Mais Ressons-le-Long allait connaître l’arrivée du
progrès technique avec la mise en service de la voie ferrée
Compiègne - Soissons. Le 9 juin 1881 la ligne fut inaugurée
par la compagnie des chemins de fer du Nord à la Vache Noire
(alors que les vicois auraient souhaité son implantation prés
du pont !), quatre maisons de garde-barrière et une
halte à Ressons-Mainville. Ce fut l’age d’or du train !
La gare en briques avec sa marquise, la halle de
marchandises… constituaient un véritable pôle
d’attraction économique. Cinq omnibus quotidiens partaient
de Vic-Ressons pour Soissons à 4h37, 9h17, 12h50, 18h22,
21h09 et il en coûtait 1.90 F en 1ére classe, 1.25 F en
seconde et 0.80 F en troisième pour un voyage qui durait
environ 30 minutes. Pour Compiègne, les départs étaient prévus
à 6h53, 9h43, 14h09, 18h34 et 21h12. Et l’on prenait
souvent le train puisque l’on dénombra, en 1903, 41 700
voyageurs au départ de Vic-Ressons et 36 000 tonnes de
marchandises… tandis qu’à la halte de Mainville on compta
2 734 voyageurs la même année. Les bois, la farine, les
grains, le charbon, les pierres, les betteraves… étaient
chargés sur les wagons et l’on dut même installer une
presse hydraulique à paille prés des quais à partir de
1897, une presse qui occupa 8 ouvriers tout au long de l’année.
Mais si cette ligne connut un grand trafic avant d’être
fermé en 1973, tous les autres projets auxquels s’associa
la commune de Ressons (une ligne vers Ambleny, Dommiers ou
Villers…) connurent l’échec.
Une
distillerie à la ferme
En
1892, Léon Michon, le fermier de la Montagne, fit construire
une distillerie dans la cour de la ferme à l’emplacement de
l’ancien chemin détourné en 1803. Mais en 1900, il céda
la ferme à M. Henri Ferté qui développa l’activité de
l’ensemble. On y comptait alors 250 hectares, une vingtaine
de chevaux de trait et une trentaine de bœufs attelés qui
tiraient les fameuses charrues à soc réversible « inventées »
par M. Vallerand de Moufflaye. Comme partout dans la région,
au moment des grands travaux, les ouvriers permanents (on en dénombrait
25 à la Montagne) étaient renforcé par les Camberlots du
Nord qui
travaillaient à tâche et appréciaient la traditionnelle
soupe du midi où flottaient des pommes de terre entières et
parfois un morceau de viande. A la distillerie, dont la haute
cheminée coiffait les bâtiments, dix ouvriers
écrasaient les 120 hectares de betteraves entre fin
septembre et mars et l’on fabriquait ainsi prés de 40
hectolitres d’alcool pur par jour. Pour accéder aux champs
de blé, d’avoine, de luzerne et de betteraves ou pour
transporter les récoltes, on empierra peu à peu les chemins.
Quant à M. Henri Ferté, un homme d’action et de grande
prestance, il prit des responsabilités professionnelles et
politiques en devenant notamment maire de Ressons en 1908.
Le village qui avait terriblement souffert d’un
violent ouragan le samedi 1er juin 1901 aux
environs de 16heures(arbres arrachés, toitures envolées, grêlons
gros comme des œufs de pigeon, 200 000 F de dégâts),
devint alors célèbre avec Constant Huret, l’enfant du pays
devenu champion du monde cycliste. Né au château de
Mainville où son père était jardinier en 1870, Constant
devint apprenti boulanger à Soissons et Saint Bandry avant de
s’adonner totalement au vélo pour gagner le Paris-Bordeaux
en 1899, le Bol d’or en 1894, 95, 98 et 1902 et devenir
entre autres, champion du monde de la distance parcourue en 24
heures… avec 909 kilomètres ! Constant Huret, pour
mieux monter les côtes, inventa même le dérailleur avec une
tige de cuivre fixée sur le pignon de la roue arrière. Avec
ses 576 habitants en 1901, Ressons comptait cinq débits de
boisson. Et après et après avoir voté une subvention pour
l’installation du téléphone à la gendarmerie de Vic en
1908, le village fut raccordé au réseau en 1910… avant de
connaître l’arrivée de la fée électricité en 1911 grâce
à M. Bouillet de Paris.
Le cimetière autour de l’église et celui crée en
face d’elle s’avérant trop petits, on inaugura le nouveau
en 1911.
Directeur de la fabrique (à sucre) de Berny, M. Duchêne
eut l’idée d’installer un transbordeur sur câble entre
le plateau et son usine comme en existait déjà un vers
Moufflaye. Les études n’ayant commencé qu’en 1912, la
grande guerre qui se déclencha en 1914 l’empêcha de réaliser
son projet. Une grande guerre qui sera l’objet de notre
volet de samedi prochain.
Un
village se raconte
RESSONS-LE-LONG
La Grande Guerre (4)
Avec ses fermes, ses
vignes, ses carrières, sa distillerie, sa voie de chemin de
fer,… Ressons-le-Long connaissait
une certaine prospérité au début de ce siècle, (voir notre
volet du samedi 6 juin).
Mais le village découvrit la guerre le samedi 1er
août 1914 lorsque les ordres de mobilisation furent affichés
et que les hommes partir dés le lendemain. Par peur des
espions, on enleva les panneaux du « Bouillon Kub »
qui étaient, parait-il, des repères pour l’ennemi. Vers la
fin du mois, le bruit du canon retentit vers le Nord et les
premiers convois de réfugiés traversèrent le village.
Mais ce n’est que le 30 août que Ressons se sentit
au cœur des combats quand les troupes anglaises envahirent le
village et se livrèrent à quelques scènes de pillage
pendant que leur état major s’installait au château du
Montois et que les batteries se mettaient en position sur les
hauteurs de la Vache Noire. Ce qui n’empêcha pas les
allemands d’avancer et d’entrer, sous la canicule, dans le
village le 1er septembre.
Gabrielle Jolly, aujourd’hui Mme Naranjo, revoit
encore la scène : « J’avais alors 9 ans et mon père
mobilisé à la gare de Vic, était adjoint au maire. Les
Ulhans sont arrivés dans notre ferme de Mainville. Ils ont tués
quelques poules, enlevé six chevaux et ont continué à
avancer dans les terres du haut où les anglais reculaient »
Berthe Laurent (Mme Balançon) elle, avait 12 ans et habitait
au Montois : « D’abord, mon père a enfermé ma sœur
de 16 ans, Georgette, dans la cave. Elle y est restée pendant
huit jours car on racontait que les Allemands enlevaient les
filles, coupaient les mains des enfants. Mon grand-père était
mort le matin même et quand l’officier, qui nous menaçait
de son revolver, l’a découvert dans la chambre du fond, il
s’est excusé et a fait poser une pancarte sur le chemin
pour que personne n’entre chez nous. Mais ça a bien bombardé
et pillé dans les maisons d’à coté. »
Après leur échec sur la Marne, les Allemands
battirent en retraite. Et Berthe se souvient d’un autre épisode :
« Mon père travaillait à la distillerie. En y montant,
il avait vu des lueurs dans les carrières à Finaux. Avec
d’autres habitants, il a découvert neuf Allemands qui se
cachaient depuis plusieurs jours. Les pauvres n’avaient mangé
que des pommes ! L’un deux avait gravé une douille
d’obus de 105 « Souvenir de Ressons ». Mon père
a rapporté le chef d’œuvre à la maison. Pour eux, la
guerre était finie ! »
Mais pour les autres ! Dés le 13 septembre, les
troupes françaises, en empruntant la passerelle lancée sur
l’Aisne par le Génie, face à la ferme du Pressoir, prirent
pied sur le plateau de Fontenoy où les combats furent rudes
(voir notre série sur Nouvron Vingré » et les
habitants de Ressons-le-Long assistèrent
à cet embrasement du ciel à la terre. A quelques
kilomètres du front, ils s’installèrent ensuite dans la
guerre en accueillant les troupes au repos.
On
vivait avec les soldats
Gabrielle Jolly entretenait une correspondance suivie
avec son père Alphonse qui avait été mobilisé après 14
« Mon cher papa. En ce moment, nous avons beaucoup de
troupe à loger. Je ne sais qui on aura pou le battage ».
En effet, sans les hommes, le travail dans les fermes était désorganisé.
Les anciens du village venaient en aide aux femmes, aux
enfants, aux oncles et tantes de Morsain, Cuisy qui, après
avoir été déportés par les Allemands, avaient pu rejoindre
leur région. Et dans ses cartes, Alphonse Jolly, qui semblait
ne pas avoir le moral (« Pour me distraire ! Nous
ne sommes pas prés de nous retrouver !... C’est bien
triste ! »), donnait son bonjour aux commis et ne
manquait pas de suivre les travaux agricoles (« Les
foins sont-ils faits ?... Vends l’avoine dés que tu
pourras car il va y avoir une attaque… »).
Et la ferme, on travaillait comme on pouvait, avec les
bœufs… et les soldats qui donnaient un bon coup de main.
« On a toujours vécu avec eux. Ils logeaient dans les
granges, raconte Gabrielle. Tous las bâtiments étaient
pleins. Des Zouaves, des Spahis, des Marocains entortillés
dans leurs toiles blanches avec leurs petits ânes. Quel effet
ça faisait ! On n’était pas malheureux. On se
nourrissait presque à leur cuisine roulante car ceux du front
étaient largement ravitaillés… Pas comme ceux de l’arrière !
On élevait même des cochons avec les restes ! »
Pour ces cantonnements, les habitants recevaient des
indemnités (1 F par jours pour une chambre d’officier, 5
centimes par soldat ou par cheval en écurie) et, du 1er
novembre 14 au 31 octobre 16, la commune de Ressons put
distribuer aux
logeurs la somme de 62 303 F payée par l’intendance.
La population en profitait pour faire du commerce. « Ma
mère lavait le linge des soldats, raconte Berthe. Elle avait
une licence pour vendre des frites, de la salade… et du vin ».
Presque tout le monde vendait ce pinard que les soldats
venaient chercher par bidons ou par seaux de toile. « Les
pauvres ! Ils avaient bien besoin d’oublier et de se réchauffer
quand ils descendaient du front avec leurs capotes gelées ! »
Les carrières, où on retrouve des inscriptions comme
64e Territorial. 9e Compagnie ;
Ann2e terrible. 14 nov 14 », étaient aussi des refuges
pou tout le monde. Elles servaient de dépôt de munitions,
d’hopital, d’abris pou les prisonniers… ou pour les
chevaux. Car il y avait des chevaux : 160 du 203e
régiment d’artillerie logés dans les grottes ; 130 à
Poulandon ; 355 dans les autres cantonnements,…
« Certains étaient blessés, d’autres morts de
fatigue. C’était le Père Balaman, notre ouvrier, qui était
réquisitionné pour aller les chercher avec un chariot tiré
par des bœufs et il les enterrait au jardin blanc ».
Des
obus et des tracts
Et la vie continuait ! « 15 janvier 1916. Je
vais retourner à l’école et travailler le plus possible
pou rattraper le temps perdu », écrivait Gabrielle à
son père. « On allait tous à l’école au Routy avec
Mme Dumestre… et nos masques à gaz. Un jour, on venait
juste de rentrer de récréation quand un obus est tombé est
tombé dans le jardin ! ». Et les obus pleuvaient
dru comme ce lundi de Pâques 1915. « Mon père raconte
Berthe, en eut même la pipe coupée par un éclat ! Et
la fois que ma mère avait mis du linge à sécher dehors !
Les Allemands sur le plateau d’en face en on fait leur cible ! »
Il faut dire que les gros canons au-dessus de Mainville,
Gorgny, du Montois,… arrosaient, eux aussi l’ennemi !
Parfois, ce qui tombait du ciel était plus pacifique
comme en 1917 quand des ballonnets envoyèrent la gazette des
Ardennes. Une grosse mèche d’amadou brûlait lentement les
ficelles attachées autour d’un cercle de laiton et les
tracts s’éparpillaient dans les airs. C’était pour saper
le moral des troupes et des civils. On voyait même des
espions partout comme en 1915 quand l’Etat major
perquisitionna chez M. Henri Ferté et arrêta le contremaître
car on avait aperçu des « signaux lumineux » du
coté de la Montagne. En 1917, au moment des mutineries, il y
eut une petite rébellion de soldats chez Lucot mais ça ne
dura pas.
D’ailleurs, en mars 1917, après le repli allemand
sur la ligne Hindenburg, Ressons retrouva un certain calme et
M. Ferté fut élu suppléant de ola commission économique du
canton qui, avec M. Braux de Vic, devait établir les besoins
de chaque commune. Le 6 février 18, le conseil de révision
de la classe 19 put même avoir lieu à Vic !
Ressons
évacué en 1918
Mais la guerre n’était pas finie ! Le 27 mai,
le canon tonna sur Soissons et la ville fut prise le
lendemain. C’était la grande offensive du Kronprinz qui
commençait. Le 30 mai, la population de Ressons reçut
l’ordre d’évacuer et le dernier train partit de Vic dans
la soirée tandis que les cultivateurs emmenaient leurs
chariots et leurs bœufs.
Le 4 juin au matin, le 8e régiment de
cuirassiers arriva au Chat Embarrassé où le Général
Messimy donna ses ordres : empêcher l’ennemi de déborder
sur le secteur et d’entrer dans la forêt de Retz. Le 1er
bataillon se posta à Gorgny et dans les bois proches pour
surveiller Fontenoy, la nationale et Ambleny. Le 2éme
bataillon s’installa à Maubrun alors que le colonel du 8e
Cuir plaçait son PC dans une maison du Montois qui fut écrasée
par un obus de 150. Les troupes françaises tinrent bon et,
malgré les tirs d’artillerie et les toxiques, elles empêchèrent
les ennemis de passer le Rû de Retz à Ambleny. Mais à quel
prix ! Le régiment compta 59 blessés et 11 tués dont 3
(les maréchal des logis Jaurand et Grivot et le soldat Nogué)
furent inhumés en bordure de la chaussée Brunehaut où leur
tombe existe toujours.
A partir du 13 juin, la contre-attaque menée par
Mangin avec les troupes françaises, américaines et les chars
Renault repoussa les Allemands et libéra Coeuvres, Cutry,
Laversine, … Soissons le 2 août.
Les habitants de Ressons-le-Long revinrent alors dans
leur village vers le mois d’octobre mais ils trouvèrent
bien des ruines. Vingt-six maisons étaient démolies, surtout
au Montois où le château avait servi d’ambulance. Les
autres n’avaient plus de carreaux, … Et le pays était
parsemé de tombes. Au cimetière, étaient enterrés cent
onze soldats dont un sergent américain et deux allemands.
Dans un champ situé au Montois en bordure de la nationale eu
du CD, on dénombrait 26 tombes et 3 fosses communes contenant
29 corps. Les dépouilles de ces hommes tombés aux combats
surtout les 12 septembre 14, les 12 et 28 juin 18, furent
regroupées au cimetière militaires de Ambleny et Vic.
Quant aux familles de Ressons-le-Long, elles aussi payèrent
un lourd tribut à la guerre puisque le monument aux morts, édifié
à la Grand’Cour et inauguré le 12 octobre 1924, porte le
nom de 41 jeunes hommes du village tombés au champ
d’honneur.
Un
village se raconte
RESSONS-LE-LONG
Les années d’entre deux guerres (5)
La
grande guerre terminée, Ressons-le-Long compta ses morts et décida
d’ériger un monument à la mémoire des 41 jeunes hommes du
village tombés au champ d’honneur (voir notre volet du
samedi 13 juin). Ce monument dont les plans furent présentés
par M. Chatelain, marbrier à Soissons, fut en partie payé
par souscription et devait être mis en place sur un terrain
prés de la Fontaine. Mais le conseil ayant changé d’avis,
il fut finalement implanté à la Grand’Cour et inauguré en
grande pompe le 12 octobre 1924 avec la participation des
habitants des communes voisines. C’était alors une coutume
que d’aller assister aux inaugurations des monuments dans
tous les villages… ce qui coûta la vie à M.Allard, du café
d’en bas à Ressons, qui fut tué en camion, la tête
fracassée par un poteau bordant la route, lors de la cérémonie
du monument des fusillés de Vingré le 5 avril 1925. A
Ressons, le conseil vota un crédit de 850 F pour payer une
plaque commémorative portant les noms des soldats morts et
pou faire l’acquisition d’un coffret qui renferma la croix
de guerre accordée à la commune.
A la mairie-école, la vielle horloge
démolie pendant la guerre fut remplacée
en 1922 par une horloge posée sur la façade et
installée par M. Lépeaute de Paris. L’année suivante, les
cabinets d’aisance trop proche de la salle de classe furent
transférés un peu plus loin et la cour de l’école fut aménagée
à l’emplacement de l’ancien cimetière grâce à un don
des populations de Haute-Garonne. Quant au préau, il fut
construit en 1927 par M. Tassart, entrepreneur à Fontenoy,
qui procéda également à la réfection du clocheton au
dessus de la mairie afin d’y réinstallée la cloche.
En 1923, l’instituteur, M. Jean Dumestre prit sa
retraite et fut remplacé par M. Jean Soulé tandis que
l’année suivante, Mme Dumestre céda sa place
d’institutrice à l’école des filles à Mme De Keulenaer.
La caisse des écoles,
à laquelle François Leveaux avait légué 8 000 F en
187, facilitait la fréquentation scolaire par des récompenses
sous forme de livres utiles, de livret de Caisse d’Epargne
aux élèves les plus appliqués, de secours aux indigents qui
recevaient des fournitures scolaires, des vêtements ou des
repas chauds en hiver. En remplacement de M. Soulé (1932) et
de Mme De Keulenaer (1934), M. et Mme Raymond Thérondel, qui
étaient originaires de Figeac, se virent chargés de
l’enseignement primaire à Ressons où les deux classes
furent géminées pou résoudre les problèmes de locaux.
Pendant leurs congés, les écoliers pouvaient alors
s’adonner à la chasse aux hannetons puisque le conseil de
classe vota en février 1925, un crédit de 1 500 F
(l’installation de l’électricité coûta 420 F la même
année !) pour la destruction de ces insectes nuisibles
aux cultures. Chaque jour, les hannetons ramassés devaient être
portés dans un sac à la ferme de la Montagne où on les détruisait.
Une prime de 0.50 F par kilo était accordée aux « récoltants »
qui en apportèrent jusqu’à 171 kg le 12 mai 1925 !
Mr
Henri Ferté le maître
Alors que le conseil avait demandé, en 1920, la
suppression de la voie ferrée de 0.60m de large qui reliait
Fontenoy à Coeuvres où l’on avait besoin de matériaux
pour la reconstruction (les camions suffisaient et l’on
voulait cultiver les terres !), les habitants de Ressons
furent appelés à voter les 3 et 10 mai 1925. Maire depuis
1908, M. Henri Ferté fut réélu tandis que M. Alphonse Jolly
se vit à nouveau confier le poste d’adjoint. Le 19 juillet
suivant, le maire de Ressons, conseiller sortant, fut réélu
au conseil d’arrondissement alors qu’il était également
le député de l’Aisne pour « L’Union Nationale »
depuis 1924, une charge qu’il conserva jusqu’en 1928 quand
il fut remplacé par Georges Monet.
Le nouveau conseil se pencha sur la modernisation du
village. Le droit de chasse sur les biens communaux fut fixé
a 20 F en 1925 et la taxe sur les chiens fut portée a 10 F
pour les chiens de luxe, 6 F pour ceux de chasse et 4 F pou
ceux de garde.
Le projet de desserte par autocar d’une ligne reliant
Vic à Villers et passant par Ressons posa bien des problèmes
à la commune qui avait pourtant voté une subvention de 1 032
F de 1929 à 1935, somme jugée insuffisante par la société
de car, la STARN dont les véhicules causaient des dommages
aux chemins. En 1935, tout le monde s’émut lorsque la
suppression du service voyageurs de la ligne de chemins de fer
de Compiègne-Soissons fut envisagée. Son remplacement par un
service d’autobus plus irrégulier, plus onéreux avec des
attentes au grand air le long de la nationale ne fut pas
accepté avec enthousiasme mais tous les vœux du conseil
municipal restèrent sans réponse.
Le
secours mutuel
L’eau qui alimentait les lavoirs et les fontaines
publiques arriva jusqu’au maisons particulières. Vingt-cinq
d’entre elles (les propriétaires avaient dû s’équiper
eux-mêmes d’un compteur !) étaient desservies en
1936. Et la lumière fut ! M. Bouillet avait créé un réseau
de distribution d’électricité dés 1911, réseau auquel
furent raccordés la mairie en 1921, l’école des garçons
en 1924, celle des filles en 1925 et les hameaux seulement en
1933. Alors que l’on voulait replantait des pommiers en
bordure de la nationale, les premiers goudronnages de chemin
dans le village furent effectués en 1932 et un terrain acheté
et aménagé pour devenir la place publique de la Fontaine.
Par conter, n’en découvrant pas l’utilité, le conseil
refusa l’installation de cabines téléphoniques dans les écarts.
Mise en place en 1896 pour venir financièrement en aide aux
malades et aux vieillards, la société de secours mutuel de
Ressons fêta son 30e anniversaire en 1926 avec un
rassemblement sur la place puis un groupement des délégations
devant le calvaire de la Croix du Rû suivi d’un bal gratuit
dans la salle Camus. Au cours du vin d’honneur, M. Henri
Ferté, président, retraça l’historique de la société
qui comptait prés de 60 membres. La cotisation annuelle, qui
variait de 48 F par jour d’arrêt de travail en cas de
maladie, le remboursement des frais médicaux… ou un
retraite annuelle de 48 F.
Après la mort de M. Henri Ferté le 8 mai 1935, le
nouveau conseil municipal confia la charge de maire à M.
Alphonse Jolly qui n’eut guère de soucis à se faire lors
des grandes grèves de 1936 puisque dans les fermes de Ressons,
« l’ambiance resta assez bonne ».
Une
vie réglée par les travaux de la terre
La vie de Ressons-le Long, comme celle de la plupart de
nos villages, se modelait sur l’activité des fermes grandes
ou petites. Juste après la guerre, on manquait de chevaux
mais les petits tracteurs à chenilles proposées par les Américains
(il y en avait un chez les Lucot, les Jolly, les Sarrazin…)
n’eurent guère beaucoup de succès et les fermiers leur préférèrent
de bons vieux ânes avant de retrouver leurs chevaux.
La ferme de la Montagne était de loin la plus
importante avec ses vastes bâtiments, ses 450 hectares de
terres cultivables, ses neuf attelées de (quatre) chevaux et
ses six attelées de bœufs. Prés de cinquante personnes y
travaillaient. Les charretiers, les bouviers, les valets de
cour, les journaliers… et tous ces hommes et femmes qui étaient
à tache. Tout se faisait à la main : l’échardonnage,
le binage et l’arrachage des betteraves… Il fallait
moissonner avec les faucheuses, disposer les gerbes en tas,
les enlever à la fourche, les mettre en meule puis battre le
blé sous l’œil du père Oscar, entasser la luzerne sur les
perroquets… nourrir les chevaux avec de l’avoine aplatie
et les bœufs avec de la pulpe mélangée à la menue paille,
mener les bêtes à l’abreuvoir… Les journées commençaient
à 6 heures du matin et se prolongeaient en été jusqu’à
vingt heures.
Dés la fin du mois de septembre, on mettait la
distillerie en marche pour une bonne centaine de jours. Des
saisonniers flamands y prenaient des postes par quatre hommes
et pour douze heures sous la surveillance de M. Gosselet et
d’un « gabelou » du service des alcools. A
raison de 40 tonnes par jour, les betteraves étaient lavées
et passaient dans des macérateurs où le jus se chargeait de
sucre que l’on distillait pour obtenir de l’alcool.
Pendant une campagne, la chaudière à vapeur avalait allégrement
ses 300 tonnes de charbon que l’on remontait du port de Vic.
Régulièrement, la calebasse plombée descendait sur un
chariot jusqu’à la gare de Vic où l’alcool était
transvasé dans des wagons citernes.
Les jours de congé étaient rares dans l’année et
c’est pourquoi la Saint-Eloi représentait toujours une
grande fête le 1er décembre. Après messe célébrée
par l’abbé Gosset, on faisait ripailles jusqu’à une
heure avancée de l’après-midi.
Et l’on vivait au rythme des saisons, des années…
jusqu’au jour où la guerre se déclencha à nouveau. Cette
période sera évoquée dans notre prochain volet.
Un
village se raconte
RESSONS-LE-LONG
La guerre et la résistance (6)
Alors que la vie au village et le travail dans les
fermes allaient bon train (voir notre volet de samedi
dernier), la déclaration de guerre en septembre 1939 et la
mobilisation des hommes jetèrent la consternation dans
Ressons. Dés le 16 mai 1940, l’on fut encore plus prés de
la guerre en voyant les premiers soldats battre en retraite et
plusieurs familles durent se résoudre à rejoindre les
longues files de l’exode vers le sud. Le samedi 18 mai,
quelques bombes d’avion tombèrent dans les champs proches
et, le lendemain matin, plus d’une vingtaine d’avions
bombardèrent le quartier de la gare. Aussi, dés le 20 mai,
tous les habitants reçurent l’ordre d’évacuer.
Tandis que, à partir du 1er juin, le
170e R.I. et le 21e bataillon de
chasseurs alpins tenaient les crêtes pour opposer une
courageuse résistance à l’ennemi, la 98e
division motorisée entra dans Ressons le 8 juin à 18 heures.
Les Allemands transformèrent alors l’église en ambulance
chirurgicale avant que leurs vagues d’assaut, appuyés par
l’artillerie, ne repoussent les Français jusqu’à Pouy
dans la nuit. Les combats furent courts mais coûtèrent
la
vie à treize soldats du 170e et six maisons furent
totalement détruites tandis que quinze autres et le toit de
l’église étaient très endommagés.
C’est ce spectacle que découvrirent les habitants de
Ressons qui rentrèrent au village dés le mois d’août
40… pour y faire connaissance avec l’occupation, les problèmes
de ravitaillement et de prix trop élevés, le marché noir…
Le 18 février et le 1er mars 41, des cérémonies
eurent lieu pour la réinhumation des soldats tombés en juin
40. On vivait dans la guerre en essayant de l’oublier si
bien que l’abbé Gosset se plaignait d’une baisse de
moralité chez les jeunes qui fréquentaient les bals
clandestins.
Le 13
septembre 1942, Ressons, et plus particulièrement
l’orphelinat de Mainville, fut le théâtre de la fête de
la terre et du travail rural. Autour des groupes de la JAC,
plus de deux mille personnes assistèrent à la messe des
paysans, puis au pique-nique et au défilé de chars (la pomme
de terre de Montigny, les abeilles de Morsain, la betterave de
Nouvron, le jardin familial de Vauxbuin, la laiterie de Berny
et les artisans de Vic). Ensuite, chaque groupe interpréta un
numéro sur le travail de M. Georges Ferté, syndic cantonal,
présenta la jeunesse rurale du canton et lui demanda de
s’unir pour le relèvement de la France.
Des
armes pour la résistance
Pendant ce temps, tous ceux qui n’acceptaient pas le
joug nazi, à l’image de la grand-mère Lemadre qui n’hésitait
pas à apostropher les Allemands par un « tu vas
l’avoir ma canne ! », nombreux fut ceux qui entrèrent
dans la résistance en adhérent à l’OCM 138.
André Lajoie, qui refusa d’aller au STO, fut l’un
de ceux-là. Champignonniste en carrière dans la semaine,
travaillant chez M. Sautillet à Ambleny le week-end, il entra
en contact avec Gabriel Cochet dés la fin 42 début 43.
C’est ainsi qu’il prit la direction du 2e
groupe du poste de commandement avec les trois équipes de
Roger Milcent, Jean Lajoie et Henri Véron. Et les Amour
Brousmiche, Roland Camus, Jean Trinquart, Lucien Véron,
Roland et Roger Benoît, Claude Anty, Maurice Jardez… furent
de la partie tandis que Roger Carrier était à la tête du
premier groupe qui comptait cinq équipes de Vicois.
Pendant des mois, en se réunissant dans les carrières,
ces membres de l’OCM 138 travaillèrent dans l’ombre pour
collecter et transmettre des renseignements puis pour réceptionner
les trois parachutages qui eurent lieu sur la terrain Guignol
de Nouvron les 5 avril, 9 mai et 12 juin 1944. Les armes étaient
en effet réparties dans de nombreuses caches dont les carrières
de Ressons où M. Lajoie était chargé de leur surveillance.
Ces dépôts furent d’ailleurs à l’origine d’un
malentendu avec les FTP. Car même après l’arrestation de
Eugène et Norbert
Morice en 1942 (ils avaient récupéré des armes pour les
cacher), la section FTP du secteur ne resta pas inactive.
C’est ainsi que les pistolets et les mitrailleuses parachutés
pour l’OCM et descendus dans la carrière de Vaux Gousset
par un trou d’aération avaient été découverts grâce aux
traces de pas laissés dans un champ de pomme de terre rendu
boueux par les pluies. Après un enquête menée vivement par
l’OCM auprès des FTP, les containers furent retrouvés sous
un tas de fumier en haut de la Vache Noire et les armes furent
alors enfouies dans une fosse chez André Lajoie au Montois.
Deux
aviateurs anglais
Mais M. Lajoie ne se contenta pas de surveiller les
munitions. Pour lui et son épouse, cette guerre leur a donné
l’occasion de nouer une solide amitié avec un aviateur
anglais qu’ils recueillirent.
Dans la nuit du 22 au 23 avril 44, après un
bombardement sur Laon, plusieurs appareils de la RAF furent
abattus par un chasseur allemand. Un Stirling s’écrasa à
Viviéres (tout l’équipage y repose au cimetière), un
Lancaster à Autréches (un seul survivant fut recueilli à
Morsain) et un autre Stirling à Pouy. De cet appareil, trois
aviateurs eurent la vie sauve en sautant en parachute.
« Le ciel était en feu, raconte Mme Lajoie, et
vers les 2 heures du matin, on a entendu frapper ». La
porte de cette première du marais de Saint-Georges s’est
alors ouverte prudemment car on parlait d’arrestations. Mais
quand Harry Fisher, qui était tombé au trou Cacal prés de
la ligne, eut dit « Parlez-vous anglais ? »,
il fut vite rentré, réconforté et soigné car les cordes de
son parachute l’avaient à moitié étranglé et il
vomissait du sang. « Henri Véron est venu nous aider à
traduire ce qu’il disait. Le jour, on le conduisait à la
carrière avec une lampe à carbure puis on l’a caché dans
une autre grotte avec Mac Phee qui était tombé au Chatelet.
Mais le hasard voulut que le troisième aviateur, le
navigateur « atterrisse chez les Lajoie. Tombé au
marais de la Noix prés de chez M. Rigaux, Harry Bossick, s’étant
foulé la cheville et ayant perdu une botte avait été ramené
en brouette chez les Bernier qui l’avaient caché pendant
huit jours. La résistance l’ayant appris, il fut pris en
charge par M. et Mme Lajoie et soigné par le Docteur Marichez.
Il avait cousu ses galons dans la doublure car il était juif
d’origine polonaise. Il a scié du bois même si ça lui était
« dur au bras », il a appris à marcher à notre
fils. Il est même allé chez le coiffeur à Soissons en
side-car avec Claude Anty. Le jour où M. Cochet lui appris
que son commandant était mort, il a eu beaucoup de peine et a
dit : C’était un Dieu pour moi ! Ca a été très
dur ! »
Les trois aviateurs ont ensuite été regroupés à la
carrière à Manon puis emmenés par M. Cochet et Mme Preux de
Morsain qui se chargèrent de les faire passer en Angleterre
via l’Espagne par une filière. Après la libération, on fêta
les premières retrouvailles à Morsain mais, depuis, Harry et
son épouse Lily qui vivent en Californie, correspondent avec
M. et Mme André Lajoie qu’ils viennent voir régulièrement.
Et chaque fois, en arrivant, Harry s’exclame « Ici,
c’est mon maison » !
La
Libération proche
Hélas, la guerre ne fut pas toujours un aussi « beau
roman ». Après l’arrestation de Gabriel Cochet en
juin 44, les membres de l’OCM passèrent plus d’une nuit
dans les carrières en attendant la libération. Et celle-ci
provoqua quelques drames. Dés la fin d’août, les convois
allemands qui battaient en retraite furent bombardés et les
fossés de la nationale 31 étaient jonchés d’épaves. Le
30, les officiers de deux véhicules demandèrent leur route
à Mme Lajoie qui les envoya vers Vic mais il durent rejoindre
Nouvron et furent certainement de ceux qui tuèrent Claude
Demory.
Le 31, après avoir tenté d’aller à Vic avec son vélo,
André Lajoie partit à Soissons en passant par Gorgny. Là,
il vit les premiers américains et, à l’hôtel de ville, on
lui confia un message qu’il porta à Nouvron au nouveau chef
de l’OCM, Henri Brique. De retour à Ressons, avec ses
camarades, il fit prisonnier un petit groupe de soldat ennemis
qui, après avoir passé la nuit en carrière, furent transférés
dés le lendemain matin à Soissons. Trois autres Allemands
connurent un sort moins heureux. Faits prisonniers à la ferme
du Poulandon alors que leur mitraillette était s’était
enrayée, ils furent ramenés à la mairie et aussitôt fusillés
dans la cour de l’école le 1er septembre vers 11
heures. L’exaspération de beaucoup ne put être tempérée
par les appels à la raison car on venait de découvrir le
drame du Bois des Châssis. C’était la guerre dans toute
son horreur !
Le
drame du Bois des Châssis
Ce 31 août, une petite unité allemande se dissimula
avec trois chars dans la Bois des Châssis et posa des mines
sur la nationale. John Callifus, militaire américain qui s’était
aventuré là, fut le premier à être capturé et exécuté.
Dans l’après-midi, un homme vêtu de l’uniforme américain
se serait alors présenté à Soissons pour demander un
renfort afin de protéger les abords du pont de Vic. Etait-ce
un Allemand ? Toujours est-il que les quarante résistants
qui partirent de la caserne Gouraud dans un camion furent pris
sous un tir croisé de mitrailleuses dés qu’ils arrivèrent
en vue du Bois des Chassis. Ce fut le massacre. Charles
Perdini, René Mailler, Florentin Démaret et Jean Zunino
furent tués. A Soissons, le capitaine Lepape (alias Pie XII),
qui voulut savoir ce qui se passait envoya les lieutenants
Muller et Devillers (celui qui était originaire de Ressons).
Mais eux aussi tombèrent dans la souricière et furent fusillés.
Trois résistants vicois, Lucien Damy, Jacques Blin, Pierre
Roger, ainsi qu’une jeune femme Yvette Rousseaux, qui
venaient de passer l’Aisne pour rejoindre l’OCM à Ressons,
subirent le même sort. Quant à Edouard Ricard, il fut capturé
et exécuté alors qu’il se rendait à pieds à Jaulzy pour
avoir des nouvelles de ses parents.
Vers 1 heures du matin le 1er septembre, les
assistants nationaux du devoir organisèrent les secours. Mis
en garde à Pontarcher par Mme Ricard et M. Bégne, les
secouristes de Mlle Basquin s’avancèrent prudemment avec
leurs trois véhicules. Mais dans le virage, la première
ambulance sauta sur une mine et le brancardier Le Mao fut
mortellement touché tandis que Mme Demilly et M. Couturier étaient
grièvement blessés. Ils furent aussitôt emmenés à
Soissons où le Docteur Roy ne put rien faire pour sauver Le
Mao. Pendant ce temps, les résistants de Ressons, alertés
par la troisième ambulance, découvraient le triste spectacle
dû à la sauvagerie de nazis qui n’admettaient pas leur défaite
sans faire taire leur bas instinct de vengeance.
Alors que les premiers Américains avaient franchi la
nationale à Pontarcher le 31 août (non sans qu’un de leurs
véhicules ne saute sur une mine), les troupes alliées qui étaient
restées sur le chemin des Bords pendant la nuit, libérèrent
le village dans la journée du 1er septembre.
Dans l’année qui suivit, pour perpétuer le souvenir
des treize fusillés du Bois des Chassis, Mlle Basquin réussit
à faire ériger un petit monument sur un terrain donné par
M. Camus et la stèle fut inaugurée le 1er
septembre 1945 en présence de nombreuses personnalités dont
M. Vaugon, sous-préfet, des détachements américains et du
67e R.I., M. Thévenin, maire de Ressons, M.
Marsaux, maire de Vic…
Il ne restait plus qu’à f^ter, le 7 octobre le
retour des prisonniers et reconstruire le pays (ce sera
l’objet de notre prochain et dernier volet).
Un
village se raconte
RESSONS-LE-LONG
De la libération à nos jours (7)
Après la découverte,
au matin du 1er septembre, du drame du Bois des Châssis,
qui marqua la libération du village, Ressons-le-Long attendit
patiemment la fin de la guerre et le retour des quelques vingt
prisonniers dont le premier ne rentra qu’au début
d’octobre 1945. Le 7 octobre, ce fut alors la fête du
retour avec la messe, une cérémonie au monument, un vin
d’honneur et le banquet des prisonniers suivi d’un grand
bal animé par une vente aux enchères à l’Américaine.
Paul Thévenin, qui
avait été élu maire en 1941 après le décès d’Alphonse
Jolly, fut réélu le 19 mai 1945, puis le 26 octobre 1947,
malgré la liste d’opposition menée par Raymond Lefranc,
membre du parti communiste et futur député de l’Aisne en
1956. En 1953, Paul Thévenin céda son fauteuil de maire à
Marc Ferté, son adjoint depuis 1945. M. Marc Ferté devait
alors diriger la commune pendant trente années alors que des
listes d’opposition ouvrière se présentèrent contre lui
en 65, 71 et 77. Président du syndicat des eaux dés sa création
en 1959, président du syndicat scolaire en 1978, M. Marc Ferté
ne sollicita pas le renouvellement de son mandat en 1983. La tâche
de premier magistrat de Ressons fut alors confiée à M.
Pierre Meyssirel qui fut élu dés le premier tour des élections
de 1983 avec tous ses colistiers de l’Union pour une gestion
démocratique. M. Pierre Meyssirel n’était guère un
inconnu à Ressons puisqu’il exerçait comme instituteur
depuis le 1er octobre 1945 (le seul poste qu’il
occupa jusqu’à sa retraite en 83) et comme secrétaire de
mairie depuis 1947.
Un orphelinat agricole s’étant installé dans le château
de Mainville pendant la guerre, les effectifs scolaires passèrent
à 108 élèves pour deux classes ce qui conduisit le conseil
à demander la création d’une troisième classe en aménageant
l’ancien logement du garde-champêtre. A la rentrée de
1945, Mme Mariolle se chargea donc d’une classe enfantine
qui fonctionna dans ce local au centre du village, local que
la commune acheta en 1951, pour le transformer en salle de
classe avec sanitaires, logement d’institutrice et préau
avant de l’inaugurer le 14 juin 1953. Mme Gisèle Martin,
avec l’aide d’une femme de service y accueillit les
enfants dés l’âge de 4 ans, avant d’organiser la rentrée
80 dans la nouvelle école maternelle construite dans le cadre
du syndicat scolaire Ressons-le-Long – Montigny-Lengrain.
Mai dés 1954, le conseil municipal avait décidé d’aménager
une seconde classe au rez-de-chaussée de la mairie en
agrandissant le logement de l’instituteur à l’étage.
Quant à la clôture de la cour, elle fut réalisée en 1962
tandis qu’on installa le chauffage central dans l’immeuble
en 1972.
104
constructions en 40 ans
A partir de 1967, Ressons dut vivre à l’heure du
remembrement, une opération qui fut terminée en 1971 et qui
provoqua la suppression de quelques chemins dont la ruelle de
Bordeaux ou les Multes. Par contre, d’autres voies furent créées
comme le chemin de la Croisette ou remises en état en 1985
pour les rendre attrayantes aux promeneurs qui purent
retrouver les charmes de la rue à l’eau ou des chemins prés
de la Douïe.
Mais la population du village comptait 714 habitants en
1851, avait fortement diminué, puisqu’on ne dénombrait que
159 maisons en 1936. Aussi le conseil décida-t-il de
construire un lotissement au lieu-dit « le Jardin Blanc »
prés de la ferme de Poulandon. En 1964, dix lots furent mis
en vente au prix de 2.50 à 350 F le mètre carré après que
le fossé ait été busé. Puis les constructions s’étendirent
le long du marais Saint-Georges et plus de 60 maisons furent
édifiées dans les vingt dernières années. Ainsi,
aujourd’hui, Ressons-le-Long compte à nouveau plus de 700
habitants.
Bien entendu, en même temps que cette extension, le
village s’est modernisé avec l’installation de l’éclairage
public dés 1960 par l’entreprise Chevalier, et
l’extension du réseau en 1973, après que la commune ait
adhéré au syndicat d’électricité en en 1962. La place de
la mairie et celle de la Fontaine furent goudronnées. Des
cabines téléphoniques furent installées prés de la place
en 76 au Montois en 82. Le 9 janvier 1964, M. Sarazin et un
employé communal effectuèrent le premier ramassage des
ordures ménagères avant d’être remplacés par une
entreprise spécialisée en 1979. A partir de 1965,
l’Abribus que l’on avait construit sur la nationale 31 en
1959 devint inutile puisque le car passa dans le village et
que l’on édifia un abri prés de la place en 1971.
La
vache noire ne fait pas sécession
Crée vers la fin du XVIIIe siècle par Germain Asset
qui y construisit une auberge à l’enseigne de la Vache
Noire (auberge convertie ensuite en ferme et aujourd’hui la
propriété de M. Procquez), la Vache Noire comptait six
maisons (coté Ressons) en 1905 puis le hameau s’étendit
dans l’avenue de la gare jusqu’à la chaussée Brunehaut.
En 1956, le conseil municipal de Vic ayant émis un avis
favorable à une demande de rattachement du hameau de la
commune de Vic, l’émotion fut grande parmi la population de
Ressons qui voulut résister « à cette annexion ».
L’enquête de commodo et incommodo de 1958, comme l’avis
de la commission syndicale élue en avril 1960 conduiront le
ministre de l’intérieur à ne pas donner suite à la
demande de rattachement, et Ressons conserva ses limites fixées
depuis des siècles. Mais les enfants du hameau pourront
continuer à fréquenter les écoles de Vic puisque la commune
versa, depuis 1932, sa participation financière pour les
frais de scolarité.
Cette idée de rattachement de la Vache Noire devait
rebondir en 1972, lorsqu’un arrêté préfectoral proposa un
plan de fusions et regroupements de communes, notamment pour
Vic, Ressons, Montigny, Berny et Saint-Christophe. Un sondage
effectué auprès des habitants prouva que 75% de la
population de la Vache Noire était hostile au projet qui ne
recueillit, d’ailleurs, pas plus de suffrages dans les
autres villages. Pour sa part, le conseil de Ressons rejeta
catégoriquement la fusion tout en souhaitant le resserrement
et l’entente entre les municipalités pour rechercher un développement
harmonieux de leur territoire.
Ce qui avait déjà été fait puisque les communes de
Ressons, Berny et Saint-Christophe s’étaient réunies en un
syndicat des eaux dés 1959, et que Vic y avait souscrit en
1966 avant que Montigny ne rejoigne le groupe en 1983 par M.
Marc Ferté, le syndicat des eaux de la région de Vic dessert
aujourd’hui plus de deux mille abonnés.
Une
vie associative active
Peu après la guerre, une « Amicale de tir »
fut mise sur pied dans le village, et ses 48 membres actifs
(en 1949) se réunissaient le dimanche à partir de 15 heures
(d’avril à novembre), pour participer à des concours avec
les autres villages ou faire quelques cartons qui servaient à
désigner en fin de saison le meilleur tireur. Ainsi, en 1949,
M. Roger Carrier fut sacré champion avec un total de 249
points (maximum 250 !) sur ses cinq meilleurs tirs de
l’année. Il fut suivi de peu par M. André Véron (246 pts).
Alors qu le tir scolaire prenait de l’ampleur, la société
connut quelques difficultés et cessa toute activité en 1955.
Quant au foyer rural crée en 1951, il proposa une
excellente animation à tous les habitants de Ressons pendant
dix-sept années. Des voyages aux grottes de Han (52), à
l’exposition de Bruxelles (58), au Havre pour visiter le
paquebot (59),… des films au ciné-club (plus de 20 en 52
dont « L’armoire volante », « Jody et le
faon », des concours de belote, de ping-pong, des
bals,… toutes ces manifestations étaient très prisées par
les jeunes et les anciens qui en profitèrent pour distribuer
des pot-au-feu aux personnes âgées, des mandats aux
militaires,… et remettre en état la salle paroissiale,
salle qui avait été aménagée par M. Henri Ferté.
Pour favoriser l’épanouissement des jeunes, la commune
transforma aussi le terrain communal de Routy en terrain de
sports. Les souches de peupliers furent enlevées, la terre
nivelée en 1968. Un préfabriqué fut remonté et aménagé
par des bénévoles dirigés par M. Henri Couvercelle en 1975,
avant que l’éclairage ne soit installé en 1977.
Le presbytère construit en 1972 fut remis à la
disposition de la commune, qui le transforma en un logement et
une salle audiovisuelle, aujourd’hui utilisée par le club
de loisirs du 3e age créé le 4 octobre 1974.
Cette même année, le conseil décida d’acheter à Mme De
Luze la salle paroissiale Saint-Georges qui, après avoir subi
bien des changements pour la rendre plus attrayante, fut
transformée en salle polyvalente inaugurée le 9 février
1985.
Ainsi, Ressons-le-Long a su se donner des moyens propres à
attirer et à retenir tous ceux qui souhaitaient habiter à la
campagne tout en y trouvant le confort et les loisirs d’un
village animé.
Ce dossier « Ressons-le-Long se raconte » a été
réalisé par M. Bernard Ruelle, en étroite collaboration
avec MM. Pierre Meyssirel et Rémi Hébert. Mais nous
remercions tout spécialement ceux qui nous ont apportés
leurs témoignages ou prêté des documents, notamment Mmes
Milcent, Balançon, Naranjo ; MM. Jean Courbet, Pierre
Hanryon, Henri Ménard, Gabriel Cochet, Elie Chevalier,
Norbert Morice, Grandjean. MM. et Mmes Josephe Mantaux, André
Lajoie. Notes laissées par Mlle Basquin, l’abbé Gosset,
MM. Marc Ferté, Michel Reddé, Emile Gaillard et Bernard
Ancien.
Avec ce dernier volet sur Ressons-le-Long, s’arrête
momentanément notre série « Un village se raconte ».
Rendez-vous est donné pour la rentrée et de nouveaux
villages, notamment Morsain, Fontenoy… Mais en attendant, si
vous n’avez pas suivie la série depuis ses débuts, il vous
est possible de vous procurer ces numéros de « L’Aisne
Nouvelle » auprès du bureau ou de votre dépositaire :
-
Nouvron-Vingré : 22, 29
novembre, 6, 13, 20, 27 décembre 1986.
-
Coeuvres-et-Valsery : 10,
17, 24, 31 janvier, 7, 14, 21 février.
-
Montigny-Lengrain : 4, 11,
18, 25 avril, 2, 9, 16 mai
-
Ressons-le-Long : 23, 30
mai, 6, 13, 20, 27 juin et 4 juillet.
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